Roots of strategy [Les sources de la stratégie] : Anthologie de classiques militaires
Les Anglo-Saxons ont déjà publié, au cours du dernier conflit, un nombre considérable de volumes traitant de l’art de la guerre. Il est particulièrement intéressant pour nous, Français, de considérer le choix des classiques dont le major Philipps a réédité des extraits à Londres en 1943, et qu’il considère comme les cinq plus grands écrivains militaires qui aient paru avant le XIXe siècle. Ce sont : le Chinois Sun-Tzu, qui écrivit son Art de la guerre en 500 av. J.-C, le Romain Végèce dont les Institutions militaires des Romains datent du IVe siècle de notre ère, le maréchal de Saxe dont les Rêveries sur l’art de la guerre tiennent le quart du volume, Frédéric le Grand et ses Instructions militaires à ses généraux (1747) et, enfin, Napoléon avec ses Maximes militaires, publiées par le général Burnod en 1827. Ainsi, sur ces cinq classiques, deux sont de chez nous et trois ont été écrit dans notre langue, les instructions du roi de Prusse ayant été originalement rédigées en français.
Les extraits chinois de Sun-Tzu sont particulièrement remarquables. On y trouve clairement exprimés les principes éternels qui régissent l’art des batailles, malgré l’évolution de l’armement. L’importance et l’action d’une cinquième colonne en pays ennemi est fortement soulignée par le vieil auteur chinois, dont certaines pages semblent écrites d’une encre à peine sèche.
Végèce n’est pas un inconnu en France puisque la Revue Militaire générale publia, en 1938, un article à son sujet. L’éditeur anglais donne à peu près complètement les trois premiers livres de son œuvre, dont le troisième, relatif à la tactique et à la stratégie, a exercé une influence considérable sur plusieurs grands généraux du Moyen-Âge, de Charlemagne à Richard Cœur de Lion.
Les Rêveries du maréchal Maurice de Saxe, quoiqu’ayant été rééditées chez Lavauzelle en 1895, sont malheureusement peu connues en France. Écrit en treize nuits, au cours d’une maladie pénible, et sous l’influence de la fièvre, le livre est mal composé, et parfois mal écrit. Il contient, cependant, des vues prophétiques sur l’organisation de l’armée, la nécessité de la conscription, la manœuvre défensive en « hérissons », la puissance du feu dans l’attaque, l’importance de l’exploitation rapide du succès, et l’influence prépondérante du chef de guerre.
Frédéric le Grand faisait grand cas des Rêveries. Aussi retrouve-t-on leur influence dans ses Instructions militaires. Le roi-général s’y montre un partisan acharné de l’offensive à tout prix et de la manœuvre rapide. Il étudie avec minutie les conditions de marche des armées, leur disposition en vue de la bataille, la nécessité de la surprise, et montre l’importance capitale de la puissance du feu.
Enfin, le choix de maximes napoléoniennes (qui en contient 115) est classique et bien connu.
Il serait à souhaiter qu’une semblable anthologie militaire fût éditée en France ; car notre pays, qui a tenu pendant longtemps la première place dans les questions d’art militaire, ne compte malheureusement aujourd’hui que fort peu d’écrivains militaires de classe. Le temps des Fay, Fix, Jung, Niox, Lewal, Pierron, Ardant du Picq, Berthaud, Bonnal, Colin, Grouard, Maillard et autres Gilbert n’est pourtant pas si éloigné. Espérons que, sous l’influence de « l’Académie de Défense Nationale », actuellement en projet, nous verrons bientôt refleurir dans notre pays les études militaires.