Winged Peace [La paix ailée]
Venu en Angleterre avec les premières troupes canadiennes au début de la Première Guerre mondiale, William A. Bishop ne tardait pas à passer dans l’aviation, d’abord comme observateur, puis comme pilote ; et c’est un récit plein d’humour que celui des procédés de sélection alors en usage, de l’entraînement donné, des appareils confiés aux mains des néophytes. Ce qui ne l’empêcha pas d’abattre pour sa part 72 appareils ennemis.
C’est la guerre de 1914, écrit-il, qui a donné l’impulsion décisive à ce qui n’était jusque-là qu’exploits sportifs plus ou moins heureux, exploits dont ses premiers chapitres nous retracent par le menu la genèse. Ses souvenirs personnels, la comparaison qu’il établit entre les méthodes de combat d’un Richthofen et celles des As anglais, en particulier, relèvent singulièrement l’intérêt de ce coup d’œil rétrospectif. Puis, c’est l’histoire de l’aviation civile d’après-guerre, de l’indifférence à laquelle elle commence par se heurter, de la part du public et, plus encore, de la part des autorités, des difficultés financières qui l’arrêtent, des mille obstacles qu’elle a à surmonter. Son pays, où il s’était fait le champion, le protagoniste enthousiaste du nouveau moyen de transport, est, d’ailleurs, en Amérique, l’un des premiers à en adopter, à en généraliser l’usage. Le rôle joué par l’avion dans l’exploration, l’exploitation et la mise en valeur de l’Extrême-Nord canadien jusqu’aux rivages de l’océan Arctique sera une véritable révélation pour beaucoup de lecteurs qui, dans cet ordre d’idées, ne connaissaient jusqu’ici, que l’œuvre parallèle accomplie par l’URSS dans l’Extrême-Nord sibérien.
Le fait capital, sur lequel insiste le maréchal Bishop, et qu’il illustre par des images, dès le seuil de son livre, c’est le bouleversement qui s’ensuit dans notre conception du Globe, bouleversement dont trop peu de gens ont encore la conscience distincte. Nous persistons à nous représenter la Terre comme une surface plane, tout au plus comme le développement d’un cylindre, où les mouvements se font nécessairement d’Est en Ouest ou d’Ouest en Est, où l’on ne peut se rendre d’Europe en Amérique, d’Amérique en Asie qu’en franchissant l’Atlantique et le Pacifique. Or, la Terre est un globe, où l’aviateur circule dans tous les sens, où le plus court, chemin de Moscou à San Francisco, d’Ottawa ou de Washington à Tokyo, Nankin ou Tchoungking, passe par-dessus le pôle, où toutes les distances se rapetissent.
À l’heure où écrivait le maréchal Bishop, la bombe atomique n’avait pas fait son apparition : elle ajouterait encore à la force de la thèse. Cette thèse est la suivante : la Première Guerre mondiale avait porté un coup assez rude à notre civilisation ; la Seconde Guerre mondiale lui a porté un coup plus terrible ; une troisième guerre, aux moyens de destruction perfectionnés, lui porterait le coup de la fin. Les Ailes sèmeront la mort, si nous ne réussissons pas à les tourner en messagères de paix, consacrées au progrès des échanges et au rapprochement fraternel des nations. Et c’est dans cet esprit qu’à la Conférence de Chicago, le Gouvernement du Canada préconisait, il y aura bientôt un an, le contrôle international de l’aviation civile. Le livre du maréchal Bishop n’est pas, on le voit, d’un intérêt purement littéraire ou spéculatif. Il vient à l’appui d’une campagne dont les buts, dans le domaine du monde de demain, sont essentiellement pratiques.