Du travail pour tous dans une Société libre
Henry Laufenburger, assisté de M. Domarchi, nous donne la traduction française de cet ouvrage, terminé en 1944, et dont l’épigraphe « La misère engendre la haine » donne l’atmosphère générale. La plaie du monde moderne est le chômage en temps de paix, inéluctable en économie non planifiée, dit Beveridge, parce que la somme des dépenses ne s’ajuste pas de façon à offrir le maximum de travail aux ouvriers. En temps de guerre, le chômage disparaît grâce à la progression considérable des dépenses publiques.
En temps de paix, Beveridge prétend arriver à réduire la masse des chômeurs à un minimum incompressible de 3 % (contre 14 % entre les deux guerres en Angleterre) grâce à trois facteurs : d’abord, un décaissement suffisant, assuré par l’État, de façon à fournir du travail à tout le monde (c’est l’abandon délibéré de l’équilibre budgétaire) ; puis, le contrôle de la localisation des entreprises et l’organisation de la mobilité du travail. Toute cette politique implique, pour sa réussite, une « conscience sociale » qui s’analyse en cinq propositions : une stricte discipline du travail, des salaires justes (pour la fixation desquels les pouvoirs des syndicats seront forcément diminués), une sage politique des prix, un contrôle de l’État sur les monopoles et les cartels, enfin, le respect « conditionnel » de la liberté privée. Au terme de cette lecture, on se prend à penser que le chemin qui mène à la société « libre » de Beveridge ressemble fort à « La Route de la Servitude » décrite par Hayek.