Manuel géographique de politique européenne. T. II : L’Allemagne
Parmi les pertes les plus douloureuses subies par la science française, il faut déplorer, après celle du grand géographe Demangeon, celle de Jacques Ancel, mort, en décembre 1943, des suites de sa détention au camp de Compiègne et des fatigues endurées pendant les mois de la vie traquée qui l’a suivie. Jacques Ancel fut un maître de ce que les Allemands baptisèrent du nom de « géopolitique ». Il avait, déjà, à son actif un bagage considérable, notamment de beaux livres classiques sur la géopolitique, sur l’Europe germanique et ses bornes, sur la géographie des frontières, sur Slaves et Germains.
Le tome II de son Manuel géographique de politique européenne qui vient d’être publié, était achevé à la mort de l’auteur. Il est consacré à un sujet aujourd’hui particulièrement actuel : l’Allemagne. Sa lecture minutieuse devrait être conseillée à tous ceux qui, au sein de l’ONU, prétendent à une reconstitution de l’Europe sur des fondements solides. Il n’est pas, en effet, possible de songer à une Europe saine et viable sans une connaissance approfondie du problème allemand. Or, aucun ouvrage ne nous la procure avec plus de compétence et de clarté que le livre du maître disparu. Qu’il s’agisse des bases géographiques du Reich, du front du Rhin, du front maritime en mer du Nord ou en Baltique, des marches de l’Est, du couloir polonais, de la Silésie ou de la Bavière, nous sommes, ici, en présence d’une œuvre puissamment documentée, au courant des données les plus récentes de la géographie physique, politique et économique.
Le livre se termine par un chapitre où la conscience de ce grand honnête homme se donne héroïquement libre cours dans son résumé : du Deutschland au Deutschtum. Jacques Ancel s’écrie, et il a engagé sa vie même sur cette conviction : « J’avoue que je suis de ces Français incorrigibles qui trouvent insupportable ce désir de justifier, par des arguments pacifistes, la théorie la plus férocement belliqueuse qui ait vu le jour en Europe. Je suis de ceux qui n’aperçoivent pas “les profondeurs historiques, spirituelles et géopolitiques” de cette vie internationale, qui aboutit à l’hégémonie allemande : sur des dona ferentes des modernes Danaiens, rien d’autre que la peinture neuve d’un éternel cheval de Troie ! » Ce livre capital est donc l’œuvre d’un savant doublé d’un homme courageux.