Guerre et cinéma
Georges Duhamel, cité par l’auteur, se méfiait du cinéma qu’il qualifiait de « divertissement d’ilotes », créateur de « plaisirs fugitifs, épidermiques, obtenus sans le moindre effort intellectuel ». À cette opinion, on peut opposer celle d’un critique (J. Benoit-Lévy) qui voit dans le cinéma « le moyen le plus puissant de la pensée humaine qui ait été inventé depuis la découverte du caractère d’imprimerie ». Entre ces ceux appréciations extrêmes, Joseph Daniel ne cherche pas à prendre position. L’influence du cinéma sur le public, ainsi qu’inversement, son rôle en tant que miroir de l’opinion, lui paraissent aujourd’hui, à juste titre, incontestables. Il en conclut que le cinéma a forcément une fonction politique et c’est cette fonction que, dans Guerre et Cinéma, il s’efforce de mettre en lumière. Le thème de la guerre permet mieux que d’autres un examen fort intéressant et instructif des courants idéologiques, chauvins ou pacifistes, qui ont dominé dans la société française au cours de la période 1895 à 1971 qui vit se dérouler les deux conflits majeurs de notre histoire, sans parler des guerres coloniales. Ainsi s’explique sans doute que l’ouvrage ait été accueilli parmi les « Cahiers » de la très sérieuse et parfois austère Fondation nationale des sciences politiques.
Fort heureusement ! les considérations politiques de l’auteur s’appuient – et il ne pouvait en être autrement – sur l’analyse d’un grand nombre de films, dont beaucoup sont encore présents à notre mémoire, que nous avons aimés ou détestés et dont nous réentendons parler avec intérêt. Ces analyses sont pour la plupart excellentes, même si elles négligent – mais là aussi il ne pouvait en être autrement – les qualités du scénario et le jeu des acteurs au profit de la recherche du « message » politique tel qu’il a été diffusé et reçu.
Joseph Daniel paraît regretter que les impératifs propres à l’industrie du cinéma en France aient obligé les auteurs de films à ne transmettre ces messages qu’avec beaucoup de prudence, quel que soit d’ailleurs le sens qu’ils aient voulu leur donner. Mais il estime que les précautions prises et les procédés utilisés pour ne heurter ni la censure, ni le public constituent eux aussi, en eux-mêmes, un fait politique et entrent par conséquent dans le cadre de son étude qui s’allonge d’autant. C’est sans doute dans la logique de son propos. Mais nous lui sommes reconnaissants de ne pas pousser au-delà ses analyses politiques qui finiraient par nous faire oublier qu’il s’agit de cinéma, c’est-à-dire, tout de même, d’un « divertissement ». ♦