26 août 1957 : essai réussi d'une superfusée soviétique ; 4 octobre 1957 : lancement du Spoutnik. Accédant la première à la puissance de frappe intercontinentale, l'Union soviétique en tire vis-à-vis du Tiers-Monde un prestige considérable et manifeste dès lors sa volonté de traiter en position de force avec le rival américain. La course aux armements surpuissants est ainsi lancée, la situation des rapports Est-Ouest – et par voie de conséquence celle de l'Europe – va en être profondément modifiée.
Il y a vingt ans… Le Spoutnik
Le 4 octobre 1957 — il y a vingt ans — l’Union soviétique mit sur orbite le premier satellite artificiel, le Spoutnik. Il s’agissait d’une sphère de 83 kg, d’un diamètre de 58 cm, mais ses caractéristiques techniques importaient moins que sa signification stratégique et politique. Sans doute certains dirigeants américains s’efforcèrent-ils de minimiser la portée de cet événement scientifique, mais dans le monde entier les répercussions psychologiques en furent considérables. En fait, cette date ouvrit une nouvelle période de l’histoire du monde issu de la seconde guerre mondiale.
Rien ne paraissait alors devoir modifier le cours des choses. Le 1er janvier, la Sarre avait été rattachée à la République fédérale. Le 24 mars, les traités de Rome avaient créé le Marché commun et Euratom. Harold Macmillan avait remplacé Anthony Eden au Foreign Office. M. Chou En-laï s’était rendu à Moscou. À Prague, M. Novotny était devenu Président du Conseil. À Moscou, M. Gromyko avait remplacé M. Chepilov comme ministre des Affaires étrangères — M. Chepilov qui avait été exclu du Comité central du P.C. avec MM. Molotov, Malenkov, Kaganovitch. L’Inde avait annexé le Cachemire. Le Ghana avait proclamé son indépendance. Le canal de Suez avait été rouvert. L’Aga Khan était mort le 11 juin. La politique française était dominée par la guerre d’Algérie… Regardés avec le recul du temps, ces événements — à l’exception des traités de Rome — ne paraissent pas pouvoir être considérés comme ayant marqué des dates importantes. Il n’en est pas de même du lancement du Spoutnik.
Les Occidentaux s’interrogeaient sur ce qui se passait à Moscou. Pourquoi, au printemps 1957, M. Khrouchtchev prit-il l’initiative d’un remaniement qui concernait le successeur désigné de Staline (Malenkov), les « consciences » de la vieille garde du Parti (Kaganovitch et Molotov) et de brillants représentants de la nouvelle génération de dirigeants (Chepilov, Sabourov, Pervoukhine) ? Molotov et Kaganovitch passaient pour des staliniens acharnés, et ils reprochaient à Khrouchtchev sa réconciliation avec Tito, son rapport au XXe Congrès, sa responsabilité dans l’ébranlement des satellites, la révolution hongroise. Mais Malenkov passait pour plus « libéral » que Khrouchtchev : c’est sa politique économique, tendant à donner la priorité aux biens de consommation, qui lui valut sa disgrâce. Quant à Chepilov, il était à la fois « l’homme de Khrouchtchev » et celui qui, après la crise de Suez, avait été limogé par ce même Khrouchtchev. Il y avait donc conjonction d’oppositions. Mais on les connaissait.
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