L'agitation des contestataires dans le courant de l'hiver, la publication d'un nouveau texte constitutionnel, l'éviction de M. Podgorny, en place depuis plus de 12 ans : en cette année où l'URSS s'apprête à célébrer le 60e anniversaire de la Révolution d'Octobre, ces trois « temps forts » ont bousculé l'image de la stabilité et de l'immobilisme que présente la scène intérieure soviétique. Alors que la population est mobilisée depuis plusieurs mois pour glorifier les succès du régime, cette récente animation a suscité des réflexions et on a pu s'interroger sur la cohésion de l'équipe dirigeante et sa capacité à régler les problèmes qui se posent à elle. En fait, les thèses alarmistes qui ont circulé ici ou là semblent dépourvues de bases très solides : dans un paysage politique dominé par M. Brejnev, les réactions assez lentes des autorités face à la dissidence, les ambiguïtés de la nouvelle constitution, pour ne retenir que deux faits majeurs de ces derniers mois, reflètent davantage des compromis générateurs de durée qu’ils ne traduisent des désaccords avérés.
Aspects de la politique intérieure soviétique
Lorsque, le 19 décembre dernier, M. Podgorny évoquait les mérites de M. Brejnev dont on célébrait l’anniversaire, rien ne laissait prévoir que les fonctions du premier seraient dévolues au second six mois plus tard.
À la tête de l’U.R.S.S., M. Brejnev maintient une prééminence qui ne se dément pas. Quoi qu’on ait pu en dire à plusieurs reprises, en raison notamment de rumeurs concernant sa santé (sa dernière absence prolongée remonte au printemps 1976, juste après le XXVe Congrès), le Secrétaire Général semble solide au poste et plusieurs événements depuis le début de l’année ont confirmé sa première place. Il a, comme à l’accoutumée, prononcé quelques discours (à Toula en janvier, devant les syndicats en mars, puis au plénum de mai) qui constituent autant de grands moments de la politique soviétique. Avec le discours prononcé devant le Comité Central concernant la nouvelle constitution, il est parvenu à faire passer dans les faits l’idée qui lui était chère de laisser, par un texte qui lui survive, la marque de son passage aux affaires. Enfin, en se faisant nommer, lors de la session du Soviet Suprême le 16 juin, Président du Présidium du Soviet Suprême, M. Brejnev se trouve placé — situation sans précédent — simultanément à la tête de l’État soviétique et du Parti. Grâce aux dispositions de la future constitution qui, créant un poste de Premier Vice-Président du Soviet Suprême, donnent ainsi au Secrétaire Général la possibilité — sans lui en faire l’obligation — d’être également Chef de l’État, il bénéficie du prestige lié à la fonction tout en étant déchargé des tâches protocolaires qui lui sont attachées. L’accession du Secrétaire Général à la première place de l’État marque l’aboutissement d’une progression, régulière depuis plus de douze ans, mais qui s’est considérablement accélérée depuis le XXVe Congrès (mars 1976). M. Brejnev apparaît donc plus que jamais comme le chef de l’U.R.S.S. dont il sera difficile de contester l’autorité.
Cette nomination, qui estompe le caractère collégial de la direction soviétique dont le Secrétaire Général s’était pourtant efforcé de maintenir l’apparence, était en fait concevable depuis le départ de M. Podgorny : il était en effet impensable que ce dernier, ayant perdu son poste au Bureau Politique, conservât longtemps ses fonctions à la tête de l’État.
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