Débarquements et défense des côtes
Le débarquement ! Deux années si vite passées ont-elles suffi pour que s’évanouisse la magie de ce mot qui hanta pendant tant de mois l’esprit de millions de Français, partagés entre l’espoir et aussi l’inquiétude, car il faut bien reconnaître que les Français de l’intérieur, ignorant l’ampleur des préparatifs alliés, pouvaient être impressionnés par la force et les moyens de l’occupant et troublés par l’orgueilleuse confiance de son commandement. Tout le monde savait que sur nos côtes, les travaux de Todt allaient grand train et que des effectifs considérables — 64 divisions, plus d’un million de combattants — étaient maintenus sur le front Ouest pour parer à l’invasion.
Débarquer ! Le mot hallucinant ne quitta pas non plus, des mois durant, les pensées des Français d’Outre-Mer, anxieux de voir libérer leur Patrie, ni celles des Alliés qui comprenaient fort bien la nécessité de l’invasion, mais qui, ne voulant pas d’échec, pesaient les risques. C’est seulement en août 1943 à la conférence de Québec, que la décision ferme fut prise de créer le second front, et c’est seulement au printemps 1944, lorsque la situation générale ayant favorablement évolué, la guerre sous-marine étant jugulée, la chasse allemande décimée, le front russe passé à l’offensive, que le Commandement suprême Allié, ayant rassemblé à pied d’œuvre des moyens colossaux, fut enfin pleinement confiant dans le succès de l’entreprise.
Les débarquements ont réussi. Ils ont même si bien réussi que, dans l’esprit de beaucoup, l’idée s’est ancrée qu’un débarquement est aujourd’hui chose aisée. Cette opinion, le succès prodigieux de tous les débarquements américains dans le Pacifique, tentés à des distances énormes des bases de départ, sur des îles protégées par la nature et défendues par un ennemi acharné, a contribué à l’accréditer. Le cinéma a bien montré quelques scènes édifiantes sur l’accumulation des moyens qui furent nécessaires et sur les difficultés qui attendaient le plus souvent les « Marines » quand ils mettaient pied à terre, mais comme le succès en définitive a toujours couronné les tentatives que l’on évoque, le doute n’effleure même plus le spectateur. Pour lui, la tactique des débarquements est au point et le succès infaillible. Devons-nous conclure d’une manière aussi péremptoire ? Ce serait se tromper gravement.
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