Littérature et jeunesse d’aujourd’hui
Deux cent mille lycéens au début du siècle, plus de quatre millions aujourd’hui : « l’explosion scolaire » apparaît comme l’une des mutations majeures de notre époque. Devant un tel afflux, l’enseignement doit, à tous ses niveaux, être repensé, sous peine de faillite. Comment donner à tous les enfants des chances égales de culture et de réussite sociale ? Comment les prémunir contre les conditionnements brutaux ou insidieux des « mass media » ?
Pour tenter de répondre à ces questions, André Mareuil, après avoir enseigné à l’Université de Sherbrooke, au Canada, a mené une double enquête : « diachronique » pour une étude des programmes de français depuis deux siècles, « synchronique » pour évaluer l’influence réelle de la littérature sur la jeunesse d’aujourd’hui. Sa conclusion est catégorique : « La critique interne des programmes littéraires français montre qu’ils sont périmés », sans doute parce qu’il y a « divorce entre l’apport littéraire scolaire et les goûts réels des élèves ». Cette différence est admissible, voire nécessaire, car toute éducation doit infléchir un élan initial, « mais l’échec est patent lorsque l’institution ne réussit pas à inculquer (même au bout de douze années !) le goût de lire ». Certes, la majorité des jeunes déclare aimer la lecture.
En fait, « Ils lisent mal » : les suffrages des enfants et dos adolescents se rassemblent rarement sur des héros littéraires de prédilection, les voix s’éparpillent, et beaucoup de jeunes ne se souviennent même plus d’aucun personnage. André Mareuil parvient à une autre conclusion : « l’apport scolaire est bien faible comparé à celui de la presse, de la radio, de la télévision ». Que l’on ne se fasse toutefois pas d’illusions, indépendamment même de la médiocrité de beaucoup de ces journaux et de ces programmes de radio et de télévision : « Les « héros » fournis par ces moyens de masse sont promis eux aussi, à un oubli rapide ». Aussi bien peut-on se demander, avec André Mareuil, si de ces déficiences ne résulteront pas, finalement, « des personnalités insuffisamment structurées ». Comment réhabiliter la lecture ? ♦