Qu’est-ce que la révolution industrielle ?
Depuis plus d’un siècle, une abondante littérature historique, économique, sociale et polémique a été consacrée à ce sujet : Claude Fohlen (professeur à la Sorbonne) n’a pas voulu ajouter à certains aspects de cette transformation. Il est à peine besoin de souligner l’« actualité » de cette préoccupation. D’une part, les nations les plus évoluées s’acheminent, qu’elles le désirent ou qu’elles le subissent, vers une société de consommation qui repose sur le développement industriel. D’un autre côté, toutes les Nations promues à l’indépendance à la faveur du mouvement de décolonisation qui a transformé le monde depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, se préoccupent d’assurer leur indépendance économique à l’égard des Grands, par une industrialisation qui bénéficie de l’assistance technique de leurs aînés.
Le moment est donc venu, à l’aide d’expériences actuelles, de se reporter vers les origines de cette prodigieuse transformation de l’humanité qui débuta au XVIIIe siècle et se prolonge encore sous nos yeux. La littérature sur ce sujet est d’une abondance exceptionnelle, en même temps qu’essentiellement anglo-saxonne. Ce n’est point que les Français aient négligé la question. Mais ils se sont plus préoccupés des effets sociaux de la révolution industrielle que du phénomène lui-même. Claude Fohlen a voulu se placer dans une perspective nouvelle en France, en étudiant les réalités économiques elles-mêmes. Il aborde donc les techniques et les technologies, les problèmes liés à l’accumulation du capital et aux investissements, le rôle des entrepreneurs, la révolution agricole, les mouvements démographiques, l’action de l’État, etc.
C’est après, seulement, qu’il aborde les conséquences des migrations, l’évolution des conditions du travail et des idées inspirées par ce travail, les rapports villes-campagnes, l’importance d’une bourgeoisie industrielle, l’éducation et la montée des cadres, les nouvelles formes de richesse, etc. Il se garde de tout dogmatisme, et pose des questions. « L’accroissement de la population a-t-il été un des facteurs d’épanouissement de cette révolution industrielle, alors que cette dernière est un effort pour transférer le travail productif de l’homme à la machine ? En a-t-elle été le résultat alors que partout l’homme redoute le chômage technologique consécutif à l’introduction de la machine ?.. Instruire les hommes est-il vraiment utile pour en faire ensuite des robots ? Le désir d’instruction ne serait-il pas plutôt une conséquence, indirecte, de l’industrialisation ? ». Aucune de ces questions n’admet de solution unique, « tout, causes et conséquences, s’enchaîne de telle façon qu’il est difficile de dissocier les diverses composantes ». Ce livre apporte beaucoup. Il suggère encore davantage, et, en cela, il est un précieux instrument de réflexion et de travail. ♦