Évolution de la France contemporaine. La France de 1870
Qu’on ne s’attende pas à trouver sous ce titre une nouvelle histoire du Second Empire. Le dessein de l’ouvrage est plus vaste, ce livre étant le premier d’une série qui se propose de retracer en une vaste fresque l’évolution de la France depuis un siècle. Dans cette perspective, l’histoire événementielle s’efface, ou du moins n’en reste-t-il que les bornes essentielles – et 1870 est l’une de celles-là ; c’est la recherche et l’analyse des forces profondes qui prennent le pas sur les péripéties que sont les successions de ministères et de cabinets.
Jacques Desmarest s’attache à nous restituer la convergence de ces forces profondes vers cette date de 1870 qui va marquer tout à la fois la fin de la prépondérance française sur le continent, l’aube de l’économie industrielle et la naissance de la démocratie républicaine. Étant conseiller maître à la Cour des comptes, on ne s’étonnera pas que l’auteur accorde une place privilégiée à l’économie. Les chapitres qu’il y consacre sont illustrés de tableaux concernant la production agricole, l’industrie et les services qu’il a pu reconstituer par un travail énorme de dépouillement des statistiques fournies par les administrations des Impôts, des Douanes et par l’ISEA. On retiendra également sa présentation très claire des classes sociales, de l’état des esprits, des croyances et des mœurs, ainsi que des forces politiques réelles, avouées ou occultes, qui exercent une influence derrière la façade brillante et vermoulue du régime.
En ce qui concerne l’état des forces militaires, on ne peut que souscrire à son jugement sévère : insuffisance des effectifs, caractère néfaste de la loi de 1832 qui permet aux classes possédantes de se libérer des obligations militaires, médiocrité de l’encadrement, vétusté des matériels et des règlements, sclérose de la pensée militaire et incohérence des conceptions stratégiques. Couronnant ce tableau au noir, les utopies diplomatiques personnelles d’un empereur vieillissant qui se trompe d’un demi-siècle en prétendant rétablir au profit de la France l’équilibre européen faussé par les traités de Vienne.
À partir de cette série d’analyses qui constituent en quelque sorte des radiographies de la France à la veille de la défaite, un prochain volume devrait nous faire saisir le mouvement des forces réelles qui furent les animatrices de l’histoire durant la période allant de 1871 à la Première Guerre mondiale. On ne peut que souhaiter la même veine à ce nouvel ouvrage. ♦