Le conflit sino-soviétique. T. II : Le conflit entre États
Le premier tome de cette remarquable étude présentait le conflit entre les partis (voir Bibliographie de novembre 1971). Le second analyse ce qui se situe en deçà ou au-delà de l’idéologie (selon la place que l’on accorde à l’idéologie dans les régimes idéocratiques), c’est-à-dire les rivalités classiques d’États. L’antagonisme n’oppose pas seulement le Parti communiste (PC) soviétique et le PC chinois, mais aussi, et au moins autant, l’État russe et l’État chinois. Il semble même que le conflit idéologique se soit surajouté à un conflit antérieur à l’instauration du communisme en Russie. Les controverses sur les frontières, pour ne citer qu’elles (on se souvient des combats qui eurent lieu sur l’Oussouri en 1969) ne doivent rien à des interprétations différentes du marxisme.
La proclamation de la République populaire de Chine provoqua l’apparition, au sein du camp socialiste, d’une deuxième puissance, forte de son dynamisme démographique plus que de son développement économique. De plus, un siècle de présence étrangère avait fait naître, avec les humiliations, un désir profond de réhabilitation de la nation chinoise. À cette susceptibilité devait rapidement s’ajouter le vieux complexe, toujours latent, de supériorité hérité de la Chine impériale. La République populaire pouvait-elle accepter longtemps la prééminence du voisin soviétique alors qu’un contentieux de plus en plus lourd doublait la querelle idéologique ? Cette dernière exigeait la recherche d’alliés. La rivalité devenait inévitable entre les deux « grands » du monde socialiste, et l’on vit Pékin, par exemple, remettre en question les « traités inégaux » imposés à l’Empire du Milieu par la Russie des Tsars, traités auxquels restent attachés les dirigeants soviétiques. Le différend territorial naquit de cette fidélité des Soviets à certaines constantes de la politique des Tsars. Il apparut officiellement à une époque où déjà la Chine avait à se plaindre du comportement de l’URSS. Après 1949, celle-ci était devenue le fournisseur privilégié de l’économie chinoise. Cette dernière, privée de l’appoint soviétique, allait supporter une crise sérieuse. Tout naturellement, Pékin en attribua une part de responsabilité à Moscou, et provoqua l’ouverture d’un second front, économique celui-là. Dans le même temps, Moscou refusait d’aider Pékin à devenir une puissance nucléaire. De jour en jour, le fossé se creusait, au point que l’on put envisager une guerre entre les deux « nations-sœurs »… ♦