Bir Hakeim
Ce document exceptionnel est aussi un grand récit dans lequel le général Kœnig unit le souffle épique du combattant aux précisions de l’historien. Bir Hakeim n’est pas une bataille quelconque, c’est avant tout la revanche de la France vaincue qui retrouve sa place militaire auprès des alliés. Tout d’abord le grand français que fut le général Kœnig expose les motifs de ralliement au général de Gaulle. Il cite de nombreuses lettres dont l’accent rejoint le patriotisme de Péguy, écrits émouvants qui affirment tous le refus de la défaite. Il trace avec affection les portraits de ses hommes, soldats et officiers, issus de tous les milieux politiques, techniques et sociaux, et dont la diversité exprime la synthèse originale de la France et de son Empire.
Le premier intérêt de l’ouvrage réside dans l’historique de la mise sur pied de la 1re Division française libre, au Levant, en octobre 1941. Elle ne fut pas créée sur le type de la division 1940 mais naquit d’une réflexion sur les enseignements tirés des campagnes de Norvège, de France, d’Érythrée et de Syrie. Ainsi, aux ordres du général de Larminat avec le général Kœnig comme adjoint, puis à partir du 24 avril 1942 aux ordres de ce dernier, elle répondit à deux principes : l’autodéfense de toutes les unités ; le remplacement de la mitrailleuse par le canon comme ossature de l’armement d’infanterie. L’originalité de la division fut d’évoluer dans le cadre de la VIIIe Armée Britannique et, à ce sujet, les rapports avec les alliés sont décrits avec beaucoup d’humour. Un autre intérêt de l’ouvrage a trait aux particularités du combat dans le désert (navigation, bivouacs, difficultés d’identification et bien sûr problème de l’eau et du ravitaillement) ; une grande place est faite à l’action des « Jack colonnes », détachements spécialisés en patrouilles lointaines, au sein desquelles toutes les unités de la vision reçurent leur baptême du feu.
En mai 1942, les troupes allemandes et italiennes de Rommel foncent dans le désert et menacent toute l’Égypte. Kœnig reçoit pour mission de tenir le « môle » de Bir Hakeim au maximum dix jours et de servir de pivot de manœuvre aux éléments d’une division blindée anglaise. Mais, encerclé du 27 mai au 10 juin, soumis au pilonnage de l’aviation et de l’artillerie, Bir Hakeim n’est plus qu’une immense cible tandis que la contre-offensive alliée s’évanouit comme un rêve. Kœnig repousse trois attaques blindées et rejette trois ultimatums. Dans l’exposé de ces combats, l’auteur expose avec précision le déroulement de l’affaire, ses ordres et l’articulation des troupes.
Le récit de l’épopée de la sortie de vive force dans la nuit du 10 au 11 juin est la partie la plus poignante du livre. Marqué par ses souvenirs de Norvège, refusant de partir « sur la pointe des pieds » et d’abandonner ses blessés et son matériel, Kœnig fait masser ses troupes en silence à la tombée de la nuit. Il s’agit pour elles de sortir en pleine nuit de leur propre champ de mines, de lancer sans préparation d’artillerie les véhicules en masses compactes, l’infanterie formant flanc-garde à droite et à gauche. Il s’agit aussi de ruser en prenant initialement une direction fausse. Mais la brèche ouverte s’avère trop étroite, l’ennemi a de plus renforcé ses troupes à l’ouest où s’effectue la percée, la surprise ne joue pas. Malgré ces difficultés imprévues les véhicules chargent, Kœnig en tête, et malgré les pertes et l’ardeur des Allemands, la division passe. La résistance de la 1re DFL a stoppé Rommel, cette action héroïque a un retentissement psychologique énorme, les noms de Kœnig et de Bir Hakeim restent à jamais liés dans l’histoire : c’est bien là, pour citer le mot du général de Gaulle que « le monde a reconnu la France ». ♦