Fidel Castro
Écrire une biographie de Fidel Castro conduit à décrire la révolution cubaine. Sur l’homme, on sait peu de choses ; sa vie privée demeure à peu près inconnue. Sa vie publique, par contre, est intimement liée à celle de son pays. La révolution cubaine, c’est Fidel Castro, à un point tel que l’on peut se demander ce qu’elle deviendra lorsque Fidel aura disparu. Mais on peut tout aussi bien se demander dans quels chemins elle s’engagera, car Fidel la guide au gré de son instinct, de son intuition, surtout de son désir d’apporter au peuple cubain dans son ensemble, dut une partie en souffrir, plus de confort, de bonheur et de justice.
L’homme et sa révolution échappent à toute prévision sérieusement étayée ; ils se prêtent à des constatations, souvent contradictoires, mais d’où il résulte cependant qu’ils sont « un symptôme de notre temps », c’est-à-dire un mélange d’aspirations confuses, de désirs précis, de rêves et de possibilités réelles. Le communisme cubain n’est pas un véritable communisme en ce sens qu’il ne repose pas sur un parti constitué qui fournirait l’armature du pays ; il est une tendance du moment, et nul ne peut dire si, un jour, il n’évoluera pas dans un sens qui surprendra tout le monde. Fidel a eu, en 1970, 44 ans ; son équipe est jeune ; selon toute vraisemblance, ils ont, elle et lui, de longues années d’action devant eux. Aussi tout jugement porté aujourd’hui serait-il prématuré : Fidel et sa révolution sont davantage un avenir qu’un passé ; mais quel avenir ?
Herbert L. Matthews, journaliste américain, a pour Fidel une sympathie certaine, comme la quasi-totalité de ceux qui l’ont personnellement rencontré et ont pu s’entretenir longtemps avec lui. Ce qui ne l’empêche pas de rester objectif. C’est un homme âgé, chez qui l’expérience professionnelle, acquise dans tous les coins du monde, a engendré la sagesse et a suscité la méfiance pour toutes les attitudes tranchées et systématiques. Son livre ne renouvellera pas la connaissance des faits, mais il donnera, du phénomène cubain, un jugement modéré et nuancé dont il est juste d’apprécier la valeur. ♦