Chine-URSS. La guerre inévitable
La conclusion de l’auteur est moins catégorique que le titre le laisserait croire. La guerre entre l’URSS et la Chine sera inévitable si les rapports entre les deux pays continuent de se détériorer comme ils le font depuis des années, et si personne n’intervient pour modifier à temps l’évolution de la situation. Ce serait, pense Harrison Salisbury, une belle mission que les États-Unis pourraient remplir : empêcher que cette guerre éclate, car elle entraînerait une large partie de l’humanité dans la mort.
L’hostilité entre Russes et Chinois est fondamentale, expose l’auteur ; les premiers ont toujours eu peur des invasions venant de l’Est ; les seconds n’ont jamais admis que les Russes, ceux du tsar comme ceux des soviets, fussent des Asiatiques. La Chine a réglé son contentieux avec toutes les puissances occidentales ; mais pas avec l’URSS qui était en apparence sa sœur en communisme, mais conservait les avantages acquis du temps du colonialisme. Les dirigeants russes et chinois n’ont jamais nourri à l’égard les uns des autres une confiance véritable ; en dehors des questions pendantes entre les deux pays, une antipathie réciproque les a toujours séparés. Enfin, la Chine a besoin d’un « espace vital » plus grand que celui dont elle dispose pour nourrir sa population, dont le chiffre, non connu exactement, est sans doute – ou le sera très prochainement – voisin du milliard.
Une guerre entre l’URSS et la Chine semblerait, à première vue, devoir être favorable à l’URSS, parce qu’elle dispose de moyens militaires modernes plus nombreux. Les mettrait-elle en œuvre, elle ne parviendrait pas à détruire même la moitié de la population chinoise. Le nombre jouerait alors en faveur de la Chine, dans une guerre d’usure qui pourrait être une « nouvelle guerre de Cent ans ». À une stratégie de « guerre-éclair » menée par l’URSS, mais qui ne saurait mener à la victoire décisive, répondrait une stratégie chinoise de « guerre populaire », c’est-à-dire à une guérilla généralisée de laquelle émergerait un jour une guerre de mouvement menée par des unités régulières.
D’après l’auteur, la zone principale des combats se situerait en Mongolie, centre et pivot de l’Asie centrale. Des exemples relativement récents montrent que la guerre moderne y est possible : celui de la guerre russo-japonaise de 1938, où s’illustra le futur Maréchal Joukov, et celui des combats d’août 1945. Dans les deux cas, les effectifs engagés de part et d’autre dépassèrent largement le million et le matériel moderne d’aviation, de blindés, de moyens de ravitaillement correspondait aux masses mises en œuvre.
Si tant est que la guerre doive éclater entre les deux grandes puissances communistes, quand se produira-t-elle ? Tout pronostic est sur ce point aventuré ; il faut se contenter d’une formule à la fois vague et menaçante, du genre « sans trop tarder »…
Harrison Salisbury est un journaliste américain dont la compétence sur les questions soviétiques n’est pas mise en doute. Il émet dans ce livre une opinion personnelle, qu’il étaye d’arguments solides ; mais ce n’est qu’une opinion, qui ne peut cependant être négligée. ♦