La victoire de la Marne
Il importe peu à notre époque, nous semble-t-il, de reprendre les vieilles discussions sur la part prise à la victoire de la Marne par Joffre, Gallieni ou tout autre grand chef. Aussi regrettons-nous que l’auteur ait cru devoir y consacrer de longues pages de son livre en démontrant que le mérite principal revient à Joffre. De toute façon, celui-ci était le chef responsable ; quelles qu’aient pu être les suggestions dont il s’est inspiré, les pressions qu’il a subies – sans omettre sa contribution personnelle à la conception de la manœuvre – c’est bien lui qui l’a gagnée.
Plus intéressant nous paraît le tableau brossé par l’auteur de l’armée qui combattait sur notre sol pour en assurer la défense. L’armée était le reflet exact de la nation. Celle-ci, divisée par ses discussions politiques, possédait au plus haut degré le sens de la patrie que concrétisait la volonté de reprendre l’Alsace et la Lorraine. Cette volonté s’affichait parfois de façon cocardière ; mais plus souvent elle était une donnée profonde du subconscient de chaque Français, fût-il « de droite » ou « de gauche ». La guerre prenait un sens précis, même si ceux qui allaient la faire en jugeaient l’échéance effroyable ou désolante ; elle correspondait à un objectif national. Le mérite de Henry Contamine est de bien montrer que l’état d’esprit des hommes de 1914 ne reposait pas sur une excitation passagère et suspecte et que devant l’événement que beaucoup attendaient – mais que bien peu désiraient – il « se mobilisait » naturellement. Ce qui permit « l’Union sacrée » dont la plus juste illustration fut le sacrifice consenti de dizaines de milliers de combattants.
Car si les journées de la bataille de la Marne sont bien de celles qui « ont fait la France », c’est qu’elles ont été marquées par une unanimité remarquable du sentiment national, simple, robuste, décidé à ne pas se laisser éteindre : un modèle sur lequel il est bon de méditer. ♦