Face à Ho Chi Minh
L’auteur est certainement celui des Européens qui a le mieux connu Ho Chi Minh. Il a publié précédemment un ouvrage célèbre sur l’Histoire d’une paix manquée : Indochine, 1945-1947, dans lequel il rapportait les événements, auxquels il s’était trouvé étroitement mêlé et qui aboutirent au déclenchement du conflit d’Indochine, en 1946. Rappelant maintenant ses souvenirs en les centrant autour de la personnalité de l’ancien président de la République démocratique du Vietnam, il pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Qu’était réellement Ho Chi Minh, que voulait-il réellement, qu’a-t-il réellement fait de lui-même ? Autant de questions auxquelles on pourrait s’attendre, si l’on ne connaissait pas l’Extrême-Orient et les Extrême-Orientaux, à voir donner, par un homme particulièrement bien placé pour le faire, des réponses précises. Mais, comme disait Kipling « l’Orient est l’Orient et l’Occident est l’Occident ». Ce livre est une parfaite illustration de la difficulté d’une compréhension profonde entre deux parties du monde, même lorsque les liens personnels n’appellent que sympathie et respect réciproques.
Il faut savoir gré à Jean Sainteny de n’avoir pas voulu définir à tout prix le caractère et l’action d’Ho Chi Minh, et d’avoir préféré exposer ses réflexions sur les énigmes que ce dernier lui a posées tout au long de relations qui s’étendirent, avec des éclipses, sur vingt ans.
Pragmatique et volontaire, désireux de donner à son pays le maximum d’indépendance, mais conscient de ses insuffisances, sentimental à sa manière, à la fois fidèle et trompeur, Ho Chi Minh présente une figure complexe dans laquelle la timidité s’allie à l’assurance. Son génie le place au-dessus de ses compatriotes ; mais il leur ressemble et le portrait qu’en fait Jean Sainteny pourrait s’appliquer à de nombreux Vietnamiens que tous ceux qui ont servi en Indochine ont connus, aimés et n’ont jamais entièrement compris. ♦