La politique du Vatican
Seul pouvoir supranational organisé et institutionnalisé sur l’ensemble de la Planète, le Saint-Siège est placé dans une situation toute particulière, à la fois « dans le temps et pas de ce temps ». Le Pape détient l’infaillibilité en matière de dogme, à l’époque de la contestation généralisée, situation paradoxale et difficile. Les croyances religieuses interfèrent avec les aspirations sociales et politiques, alors que, comme l’a dit Paul VI, « la théologie ne doit pas devenir une sociologie ». La prise de conscience de leur état, par les déshérités du monde, conduit à la violence ; l’Église, fidèle à son idéal de charité et de fraternité humaines, approuve le principe de la révolte, mais ne peut pas en approuver les moyens. Le monde est dur à ceux qui poursuivent des idéaux élevés ; ceux qui ont la charge de diriger l’Église sont hommes de foi et tout ensemble hommes d’action ; « hommes de foi, ils ont à prier comme si rien ne se produisait que par la Providence ; hommes d’action, ils doivent s’employer comme si la Providence n’existait pas ». Enfin, à notre époque de communication instantanée, la diplomatie change de méthode et même de nature, puisque chefs d’État et souverains peuvent aisément se rencontrer et que le pouvoir journalistique publie largement des articles sur des sujets autrefois enfermés dans le secret des chancelleries ; « avoir bonne presse » est aujourd’hui l’équivalent de l’ancien « être bien en cour ».
Mais l’Église elle-même traverse une crise grave, que l’autorité romaine doit conduire pour ne pas être débordée par elle. Depuis Vatican II (1962-1965), les idées ont proliféré, non sans confusion, sur d’innombrables sujets que Rome couvrait autrefois de sa haute autorité indiscutée. L’Église ne s’adresse plus seulement aux catholiques, mais à tous les hommes, gardienne vigilante des enseignements du Christ, valables même pour ceux qui ne croient pas en Lui. Son autorité morale s’en accroît, mais elle se trouve aussi involontairement impliquée dans des questions qui sont locales, régionales et de caractère politique ; elle risque ainsi de prêter le flanc à de nombreuses attaques, comme à d’insidieuses pénétrations.
Dégager quelles sont les caractéristiques et les voies de la diplomatie du Vatican dans de pareilles conditions, nécessitait une grande compétence, une très grande hauteur de vue, une exacte précision dans la pensée et une habileté sans défaut dans la forme. On peut dire que Jean Chevalier a réuni ces qualités pour écrire son ouvrage, explication très claire des mobiles et des buts de la diplomatie vaticane autant que de ses moyens d’expression dans des problèmes aussi complexes que l’attitude de Rome pendant la dernière guerre et, en pleine actualité, dans la guerre du Vietnam, dans la situation explosive de l’Amérique du Sud. Dépassant son propre objet, le livre s’achève sur une large interrogation sur l’avenir de l’Église et de la place du Saint-Siège.
Livre de mesure et de sagesse, mais aussi d’information précise, il permet au lecteur de juger plus sainement, au-delà de ses réactions impulsives, de l’action du Saint-Siège à notre époque si troublée et si troublante. Un livre à lire. ♦