En danger de progrès
On se plaint rarement que la mariée soit trop belle ; mais en fermant cet essai abondant, le lecteur est en droit, nous semble-t-il, de juger que la matière y est trop copieuse. La thèse est simple, intéressante et dans son principe difficilement discutable. La science est une arme à double tranchant ; elle peut être – et l’expérience quotidienne montre en fait qu’elle est – à la fois bénéfique et maléfique. Il faut donc en apprendre le bon usage, au-delà de toutes les frontières, de toutes les traditions abusives, de toutes les réticences instinctives et de toutes les oppositions plus ou moins ouvertement déclarées. Devant l’immensité de la catastrophe que la science mal conduite pourrait faire naître – et non seulement dans le domaine de l’utilisation militaire de l’atome – il faut avoir le courage de « planétariser » les connaissances actuellement appliquées de façon anarchique et suivant les besoins ou l’humeur de chaque peuple.
Il est certes difficile d’aller actuellement au-delà de ce postulat, qui ressemble à un vœu pieux, et ne devrait pourtant pas le rester. L’auteur, conscient de l’énormité de la tâche, a fait suivre chacun de ses chapitres d’un tableau qui en résume les données et notamment l’esquisse de « ce qu’il faudrait faire ». C’est une honnêteté intellectuelle qu’il convient de souligner, car les propositions, restant très générales, sont évidemment discutables et demanderaient à être précisées.
On lira cependant ce livre avec intérêt ; il est d’une lecture facile, soulève une grande partie des problèmes de notre temps et indique bien à quel point la science moderne a négligé l’homme au profit de la technique. L’essentiel n’est-il pas, alors que la technique permet de donner à chacun le minimum de confort qui lui permet de réfléchir à sa condition, de s’occuper précisément d’améliorer celle-ci dans le domaine intellectuel et spirituel ? ♦