Les transports maritimes sont un domaine où l'enjeu n'est rien moins que notre prospérité et notre indépendance. Dans ce secteur, essentiel à notre défense nationale au sens le plus large, les Nations s'affrontent et se livrent à une « guerre économique » sans merci. Quelles agressions notre pays y subit-il et quels moyens met-il en œuvre pour y faire face ? C'est à ces questions que l'auteur répond en deux parties : après une évaluation de l'enjeu et une analyse des agressions qui le visent, l'auteur définit la politique de transports maritimes de la France et le nécessaire développement de ses moyens dans le cadre du VIIe Plan.
Transports maritimes et défense nationale
Le concept de défense nationale, notamment depuis l’ordonnance du 7 janvier 1959, a été singulièrement élargi puisqu’il couvre les « actions coordonnées de tous ordres (politique, militaire, économique, financier, psychologique) pour assurer, en tout temps et en toutes circonstances, l’intégrité du territoire et la vie de sa population contre toute forme d’agression ». Il ne viendrait à l’esprit de personne de minimiser le rôle des transports par mer dans la gestion des conflits armés (la « guerre militaire ») : s’agissant des guerres passées, on continue à tirer et à extrapoler en « Kriegspiel » les leçons des techniques employées pour l’attaque et la sécurité des routes maritimes ; s’agissant de prospective, on s’interroge sur le point de savoir si un grand port ou un pétrolier du plus gros tonnage constituent des cibles potentielles à inclure dans une stratégie de dissuasion nucléaire. Nous ne nous appesantirons pas sur ces points.
Il est par contre moins clairement reconnu que dès le temps de paix, le transport maritime intéresse la défense nationale, en tant qu’il est un élément significatif voire essentiel de la « guerre non militaire » à laquelle se livrent les grandes nations. Bien que le concept de défense nationale évoqué ci-dessus incorpore indiscutablement cette dimension, elle a fait jusqu’ici l’objet de peu de réflexions. Pourtant, l’évolution de l’histoire économique depuis le début du siècle a fait que, les États prenant progressivement de plus en plus de responsabilités dans leurs économies nationales, le comportement des grandes entreprises tend de moins en moins à s’analyser comme une concurrence libre d’agents économiques rivalisant à égalité de chances. De même que dans la guerre militaire la nation armée levée en masse a succédé à la confrontation de quelques unités de techniciens engagés pour la circonstance, de même dans la guerre économique, les entreprises voient maintenant leurs objectifs et leurs moyens parfois pris en charge, en tout cas généralement appuyés par tout l’appareil étatique dont ils dépendent ou dont ils se réclament.
Dans une telle perspective de rivalité entre nations où la guerre économique tend à relayer la guerre militaire, les transports maritimes sont un terrain essentiel de confrontation pour la France dans le moment présent. On tentera donc ci-dessous de déterminer quelles formes d’agressions y subit notre pays et quels moyens il met en œuvre pour y faire face.
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