Naissance et mort de la IIIe République
Voici une étude menée de façon vivante, présentée dans un style entraînant et dans laquelle la thèse des auteurs est clairement exposée, sans recherche excessive de la nuance. Comme l’indique le titre, le sujet porte sur les conditions dans lesquelles la IIIe République a vu le jour et s’est effondrée, son histoire entre sa naissance et sa mort ne faisant l’objet que de rapides chapitres de liaison.
Les auteurs font une grande place aux luttes et intrigues politiques dans le sens restreint du mot – certains penseront dans le sens le moins flatteur. C’est évidemment une façon d’écrire l’histoire et dans un livre de synthèse, il faut bien choisir entre les multiples aspects de la vie nationale. Aussi, des toutes premières années encore incertaines de la IIIe République, est-on tenté d’écrire que les auteurs ont retenu surtout les conséquences de la défaite de 1870 sur la vie des partis, plutôt que la défaite elle-même sur l’ensemble du pays. La description de la « mort » du régime est un essai d’histoire sur une question dont l’actualité n’est pas encore éteinte et sur laquelle les archives ne se sont pas encore entièrement ouvertes aux chercheurs. Les deux auteurs sont jeunes et n’ont pas été les témoins des faits. Il est probable que ces lecteurs plus âgés ne retrouveront pas, dans le récit fait par MM. Azéma et Winock, l’écho de leurs propres souvenirs. Les explications fournies leur paraîtront un peu systématiques et inspirées par la suite de l’histoire plutôt que par les faits eux-mêmes, tels qu’ils étaient connus et ressentis à l’époque.
En bref, les auteurs jugent que la IIIe République est morte, en dehors même des circonstances momentanées de la défaite de 1940, de n’avoir pas su être « sociale », défaut qu’ils imputent déjà à l’attitude de Thiers après 1871. Il y a certainement du vrai dans cette explication ; encore faudrait-il étudier s’il était possible, entre 1871 et 1940, d’avoir le sens « social » qui nous paraît aujourd’hui évident. La bourgeoisie a failli à ses devoirs ; soit, mais c’est un jugement a posteriori. En 1940, la débâcle est la conséquence de l’incapacité du haut commandement ; soit, mais qui avait nommé ses titulaires, sinon le pouvoir politique ? Les auteurs soulignent bien que Paul Reynaud aurait dû enlever à Weygand le poste qu’il venait de lui confier en 1940, dès qu’il a senti qu’il n’était pas d’accord avec lui : pourquoi ne pas avoir la même exigence pour les dirigeants responsables des années 1930 ?
On voit que cet ouvrage, dont la vivacité est sympathique, est davantage un essai qu’une œuvre historique. Nul doute qu’en le considérant ainsi, le lecteur n’y trouve à la fois beaucoup d’agrément et de matière à réflexion. ♦