Journal de la France, 1939-1944
Cette réédition du journal qui parut pendant la guerre appelle, un quart de siècle plus tard, une remarque préalable. L’impression du lecteur n’est pas de lire un véritable « journal » tenu régulièrement, mais une suite de réflexions groupées sur des moments successifs du drame que vivait alors la France. La verve et la facilité de l’auteur, l’abondance de son style, la netteté de ses jugements retiennent l’attention. Mais nous n’avons pas retrouvé dans ces nombreuses pages la résurrection de l’époque. Les événements y sont transposés au plan de l’histoire. Or, l’histoire qui se fait ne peut en même temps être écrite ; sur le moment, il ne peut s’agir que de témoignage ; l’enchaînement et l’explication des faits viennent plus tard, lorsque le recul permet une plus ample connaissance et un jugement étayé sur des preuves et des documents souvent contradictoires.
Est-ce à l’avantage ou au désavantage de l’ouvrage ? Le témoin a-t-il vraiment, par une sorte de prescience, été historien ? Ou a-t-il seulement cru qu’il pourrait l’être ? Chaque lecteur en jugera suivant ses propres souvenirs ou ses connaissances personnelles sur cette époque difficile. Dans la préface qu’il a rédigée pour cette réédition, l’auteur, se retrouvant lecteur de son œuvre déjà lointaine, juge qu’elle est celle d’un « bourgeois » qui, jouissant d’une certaine indépendance matérielle, pouvait bénéficier aussi d’une certaine indépendance intellectuelle ; il estime que le temps lui a donné raison, tout au moins quant à l’essentiel, ce qui l’autorise à soumettre à nouveau au public cette tranche « d’histoire vécue ». ♦