Des guerres de l’opium à la guerre franco-chinoise. 1840-1885
Ce livre, le premier d’une série de quatre ouvrages consacrés à la Chine, inaugure une collection de manuels d’enseignement supérieur qui traiteront de l’histoire intérieure des grands pays aux XIXe et XXe siècles. Le nombre de ses pages ne doit pas faire illusion : la typographie assez serrée fait tenir sous un faible volume un texte fort long, illustré de cartes très claires. Le lecteur sera sans doute surpris de l’orthographe utilisée pour les noms chinois, qui diffère sensiblement de l’orthographe courante en France : mais ce n’est qu’une habitude à prendre.
La thèse des auteurs est de montrer comment la multiplication des contacts de l’Empire chinois avec les Nations occidentales a influé sur son évolution intérieure qui n’était nullement arrêtée, comme on le croit trop communément. Le pouvoir central doit faire face à un pays immense et très fortement peuplé, dans lequel se produisent des phénomènes centrifuges ; il n’est plus assez fort pour les empêcher de se manifester, mais conserve encore toutefois assez d’autorité pour s’imposer, non sans devoir céder une partie de son influence aux lettrés et aux militaires, donc à des éléments régionaux. Vis-à-vis de l’Occident, il hésite à prendre position : deux courants s’opposent, celui d’une résistance obstinée et celui d’une transformation des pratiques ancestrales. Ce double courant se manifeste à la fois sur le plan politique et sur le plan scientifique. Il est hors de doute qu’il faudra que la Chine en vienne à assimiler les connaissances techniques des Occidentaux pour pouvoir leur opposer sa force et sa puissance et éviter ainsi les « traités inégaux » ; les premières industries créées en Chine sont des industries d’armement. Mais le peuple comprend mal ce que le pouvoir désire obtenir ; aussi ne suit-il pas celui-ci, sauf dans les quelques régions côtières où les Occidentaux sont physiquement présents. À la fin de ce demi-siècle d’histoire particulièrement déterminant pour la Chine, celle-ci est encore une « maison de fer, sans aucune fenêtre » ; mais les premiers révolutionnaires ont compris que des temps nouveaux approchaient, et commencent à les préparer.
On citerait volontiers les indications si nombreuses que donne ce livre ; retenons ici celles qui concernent l’organisation de l’armée impériale et de ses méthodes dans la lutte contre les révoltes régionales, car elles annoncent déjà ce qui fera plus tard la force de l’armée rouge de Mao : une logistique prenant appui sur les campagnes, une action de propagande continue, une sélection sévère des cadres. Lorsque cette histoire de la Chine sera complète, dans ces quatre tomes, nul doute, si les suivants sont de la même veine, qu’on ne dispose d’un instrument de travail fort important pour mieux comprendre les origines de la Chine moderne. ♦