Israël sans sionisme
Uri Avnery, né à Hanovre en 1924, a quitté l’Allemagne avec sa famille en 1933 pour Israël. Membre de l’Irgoun [organisation armée sioniste en Palestine mandataire, née en 1931 d’une scission de la Haganah] à 15 ans, il combat dans les rangs de la Haganah [organisation paramilitaire sioniste créée en 1920 dans le but de défendre les communautés juives en Palestine] durant la guerre de 1948 à la tête d’une section de Tripolitains et de Marocains. Blessé, il est l’un de ceux qui reçurent le titre honorifique de « Renards de Samson ».
Cette participation à l’action libératrice, loin de l’enfermer dans le cycle de la violence, l’amène à réfléchir et à rechercher quelle peut être la solution au problème capital pour Israël, celui de la paix avec les Arabes. En 1950, il fonde un mouvement « L’Action sémitique », avec un journal hebdomadaire Haolam Hazeh. En 1965, il est élu à la Khesset, seul député de sa tendance, mais son audience réelle dépasse en fait le caractère limité de cette représentation officielle.
Quelle est sa thèse ? Elle est simple mais audacieuse tant elle va à contre-courant d’une opinion pour qui le rejet du sionisme apparaît comme un acte subversif : aussi longtemps qu’Israël n’aura pas reconnu l’existence d’une entité palestinienne ayant les mêmes droits que les immigrants, il n’y aura pas de paix possible. Le sionisme en établissant l’État sur une base religieuse fait obstacle à une telle reconnaissance. Il n’y aura de solution que par la constitution d’une « fédération de Palestine » faisant coexister deux États, Israël et une République palestinienne. Une telle fédération dans laquelle Israël s’appliquerait à faire de ses frères palestiniens un peuple ayant recouvré sa dignité et une terre et s’acheminant vers le développement économique, serait alors le noyau d’une « Pax semitica » s’étendant à toute la région.
Uri Avnery ne se borne pas à l’exposé d’une thèse, il l’étaie de rappels historiques sur l’origine du sionisme, ses erreurs tactiques initiales qui le font apparaître aux Arabes comme un phénomène imposé par l’étranger alors qu’il aurait pu être leur allié dans une libération en commun. On y trouvera des portraits vigoureux de M. Ben Gourion, du général Moshé Dayan et une description sans indulgence de la vie politique et des partis israéliens. Il a bien sa place dans la collection « l’Histoire immédiate » que dirige avec tant de bonheur Jean Lacouture et dont l’intérêt ne faiblit pas.