De toutes les batailles de la [Seconde] Guerre mondiale, celle de Midway a été certainement l’une des plus décisives ; elle a simultanément marqué les débuts du déclin de la marine japonaise et du développement de la marine américaine. La première est au mieux de sa puissance, et pourtant les dieux l’abandonnent ; la seconde a l’incompétence, mais l’ardeur de sa rénovation après Pearl Harbor ; les dieux, fidèles à la tradition, favorisent son audace. Pourtant, l’analyse objective des faits montre qu’il s’en fallait de peu pour que la victoire demeure aux Japonais, dans cet étourdissant tournoi où les avions des deux belligérants s’élancent comme dans des charges de cavalerie toujours renouvelées. Ces premiers jours du mois de juin 1942 montrent bien ce qu’est la fortune de la guerre.

Décrire une pareille bataille n’était pas chose aisée. Il fallait consulter les archives des deux marines, interroger les survivants et confronter leurs souvenirs souvent différents ou opposés, tenter, sous l’amoncellement des documents, de trouver la vérité historique, et en même temps maintenir le lecteur en haleine en lui faisant vivre « comme s’il y était » les phases de la bataille. On peut dire que Walter Lord a réussi dans son entreprise. Nous ne discuterons pas les données qu’il a retenues pour tracer le cadre général du combat, car, pour en faire une critique sérieuse, il faudrait reprendre toute la documentation et se faire, après lui, historien. Mais nous témoignerons de notre admiration pour la façon extraordinairement haletante dont il a mené son récit, en passant alternativement du côté américain et japonais, en accumulant mille détails qui, insignifiants par eux-mêmes dans bien des cas, prennent une valeur exemplaire et recréent remarquablement l’ambiance. Ce livre est un des plus vivants et des plus prenants de ceux qu’il nous a été donné de lire sur les opérations de la dernière guerre. Mais il a aussi le mérite de ne pas obscurcir, au profit de l’anecdote et de la couleur, la manœuvre stratégique et tactique dont on suit aisément le déroulement. Nous pensons – et ce n’est pas un mince compliment – qu’il est de la veine du livre célèbre de Cornelius Ryan, Le jour le plus long. C’est dire que nous en conseillons vivement la lecture. ♦