Yanoama
Capturée par les Indiens vivant aux confins du Brésil et du Venezuela, dans la région située entre l’Amazone et l’Orénoque, Helena Valero a vécu avec eux pendant 20 ans avant de revenir « chez les Blancs ». Un docteur italien, explorateur et anthropologiste, a recueilli le récit de cette extraordinaire aventure et l’a reproduit sous la forme où il était fait. C’est un document du plus haut intérêt, encore que, si les grands traits de cette histoire vécue sont facilement compréhensibles et nettement dessinés, le détail en est parfois confus pour un lecteur profane. Celui-ci cependant ne regrettera pas le léger effort que nécessitera sa lecture, s’il s’intéresse à l’ethnologie ou si seulement désireux de se dépayser, il est curieux d’une civilisation en apparence si différente de la nôtre.
La vie des Indiens, racontée avec tant de détails par quelqu’un qui l’a vécue personnellement, et a fait partie de ces groupes familiaux qui errent dans la grande forêt (Helena Valero a été successivement l’épouse de deux chefs, et a eu de chacun d’eux deux fils), est à l’opposé de ce que pourrait être celle du « bon sauvage ». Il n’est question que de combats et de guerres, de luttes à propos des femmes que les hommes razzient, tout autant que de vengeances longuement poursuivies, d’assassinats commis délibérément, de morts et de deuils. Le récit abonde de scènes cruelles ; il est avare de scènes aimables. La vie est dure dans la forêt. Les hommes y sont braves ou lâches, cruels ou charitables, tour à tour, suivant une logique et des croyances qui nous échappent, mais révèlent une civilisation primitive riche en passions. On pourrait penser que la femme enfin revenue chez les siens, les Blancs, éprouve un soulagement ; elle ne rencontre que curiosité malsaine et vit aussi difficilement dans la grande ville de Manaos qu’au plus profond de la forêt. Et son récit s’achève sur cette remarque désabusée : « Je croyais que chez les Blancs tout était différent. »
On peut philosopher longtemps sur cette réflexion qui, des Indiens que nous disons sauvages, nous ramène à nos propres préoccupations et à notre propre civilisation. ♦