La France contre les empires
L’œuvre de Paul-Marie de La Gorce est bien connue de nos lecteurs ; des titres comme Clausewitz et La République et son Armée, soulignent l’intérêt qu’il a toujours manifesté pour les questions de défense. Il n’a jamais ménagé non plus son adhésion aux conceptions et à l’action du général de Gaulle. C’est sa politique extérieure qu’il analyse aujourd’hui dans le dessein d’en montrer la logique, la cohérence et la continuité, mais avec le souci affirmé du maximum d’objectivité dans cette démarche.
Son examen s’articule autour des problèmes essentiels auxquels la politique étrangère de la France a dû faire face : l’hégémonie que les États-Unis sont tentés d’exercer naturellement du fait de leur formidable puissance technologique et militaire ; la fonction qui doit être assignée à l’organisation européenne et les étapes à couvrir pour y parvenir ; la fin des blocs et l’ébranlement du camp du communisme ; le problème que pose, après la décolonisation, l’écart sans cesse grandissant entre les États industriels les plus riches et les pays pauvres.
L’auteur reprend l’historique des événements qui, en passant par l’échec des conversations de Rambouillet, les entretiens anglo-américains de Nassau et la déclaration du général de Gaulle le 14 janvier 1963, amenèrent la France à se retirer de l’Otan. Outre la poursuite de l’indépendance de la défense nationale, la politique française visait ainsi à contester puis à réduire l’hégémonie que les États-Unis exerçaient dans la plus grande partie du monde. La paix était l’enjeu de cette politique qui a pu ainsi soutenir, à partir de janvier 1968, les efforts en vue d’un règlement pacifique au Vietnam.
C’est encore un aspect de cette même volonté de paix que révèle la politique européenne française en cherchant à susciter chez tous les peuples leur volonté d’indépendance à l’égard des empires.
L’auteur s’interroge enfin : cette politique a-t-elle un avenir ? Oui, dit-il, à condition de continuer à bénéficier de l’indispensable appui des masses, y compris de celle d’une partie de l’électorat de gauche. Le soutien populaire est la condition de tout. L’État libéral ne peut se défendre sans l’appui populaire, à plus forte raison si la politique étrangère entend braver toutes les hégémonies, défendre l’indépendance nationale et soutenir tous les peuples en lutte pour leur liberté. Le corollaire est clair : il faut qu’à l’intérieur, la gestion des affaires suscite et garantisse le soutien des masses profondes de la population : l’un ne va pas sans l’autre et l’on n’aura jamais tort de le répéter si l’on veut que d’autres « Mai » ne viennent le rappeler.
Mais l’enjeu en vaut la peine, conclut Paul-Marie de La Gorce, car au terme de cette politique c’est un dessein universel qu’elle poursuit ; plus précisément c’est une tentative de restituer aux hommes dispersés entre tant de destins divers un dessein commun et universel. ♦