L’Armistice de Rethondes
Comprenant de nombreuses annexes, une chronologie et une abondante bibliographie, qui en font un instrument de travail, l’ouvrage de Pierre Renouvin a pour sujet principal l’historique des négociations qui précédèrent la signature de l’armistice de 1918. Les faits sont établis et commentés, les explications pouvant en être divergentes, qu’il s’agisse des mobiles auxquels a obéi le président Wilson, des réticences ou des acceptations des Alliés, des impératifs militaires et politiques auxquels les Allemands ont dû se soumettre. Cet historique est généralement peu connu du grand public. Aussi cet ouvrage vient-il opportunément lui donner une information qui lui faisait défaut.
Sans entrer dans le détail, comment peut-on synthétiser l’impression produite par la lecture de cet ouvrage documenté, si dense et abondant ? Les États-Unis entrent pour la première fois, et d’une façon éclatante, dans la grande politique mondiale, en imposant les « Quatorze points » du président Wilson aussi bien aux Alliés qu’à l’adversaire, comme une condition sine qua non ; sûrs de leur force matérielle grandissante, ils se sentent en mesure d’affirmer des principes moraux en limitant la victoire des uns et la défaite des autres, dans la profonde conviction qu’ils éviteront ainsi le retour de la guerre. Les Allemands sont battus militairement, contrairement à la thèse qui va pourtant naître aussitôt du « coup de poignard dans le dos » ; les chefs militaires allemands veulent signer l’armistice avant un effondrement qu’ils redoutent, parce qu’ils le savent inévitable à terme, et tant qu’ils possèdent encore une carte de guerre susceptible d’aider au marchandage des négociations. Les Alliés savent de leur côté que leur effort est à la limite de ce que leurs pays peuvent et pourront supporter ; ils hésitent entre les solutions possibles : arrêter tout de suite les hostilités, ou les poursuivre jusqu’au moment où la défaite militaire allemande sera évidente pour tous.
L’armistice de novembre 1918 naît d’un compromis entre ces différentes tendances, une fois admis les fameux « points » de Wilson. Il conduira à une paix mal équilibrée, pleine de raisons et de prétextes pour la reprise de la guerre. Il clôt un épisode mais ne conclut pas le drame.
Pourtant, l’issue de la Grande Guerre aurait pu être différente. Mais on entre alors dans le domaine de la spéculation historique. Or, en histoire, seuls les faits comptent. On s’apercevra pourtant en 1945 que des hostilités conduites jusqu’à la capitulation sans condition du vaincu n’ont pas des effets plus heureux qu’un compromis.
Il est inutile d’aller plus loin pour montrer que la lecture de ce livre fournit matière à d’innombrables réflexions… ♦