L’armée face au pouvoir
L’auteur a choisi un sujet aussi difficile qu’actuel. Si les rapports entre l’armée et le pouvoir ne comportent guère de difficultés en temps normal dans les pays développés, il n’en va pas de même lorsque les temps sont troublés et que les événements se précipitent. Et chacun sait à quel point notre époque est fertile en évolutions, en révolutions, voire en mutations de toutes sortes.
La prééminence du pouvoir civil sur l’autorité militaire est un principe universellement, mais théoriquement reconnu. En pratique, l’un et l’autre s’opposent fréquemment, au-delà des questions de personnes, parce que chacun ressortit à un ordre particulier. Comment réaliser une entente durable et efficace surtout dans les moments de crise, c’est-à-dire lorsqu’elle est absolument nécessaire ? C’est la question à laquelle s’est efforcé de répondre Fernand-Thiébault Schneider.
Dans une première partie de son ouvrage, il expose les conditions des crises récentes qui se sont déroulées dans divers pays et notamment en France. L’analyse de l’auteur est fort pertinente en ce qui concerne notre pays, et le style masque mal l’émotion de l’écrivain qui parle de choses vues et vécues. Dans une seconde partie, plus théorique, il étudie la conception des rapports armée-gouvernement en s’inspirant étroitement de Clausewitz et en adaptant les principes du célèbre penseur à notre temps. Fernand-Thiébault Schneider met très haut la pensée clausewitzienne, peut-être un peu trop haut à notre avis, car enfin Clausewitz s’inspirait directement de l’étude des campagnes napoléoniennes et l’on peut se demander si le véritable maître en la matière ne reste pas Napoléon. Quoi qu’il en soit, il tire de nombreuses citations des conclusions frappantes et qui méritent réflexion.
Nous retenons particulièrement la principale de celles-ci l’armée n’est plus le seul moyen de coercition dont dispose un État pour agir dans ses relations internationales ; mais son champ d’action s’est élargi au-delà de la simple technique militaire et le chef militaire doit être non seulement un spécialiste, mais un citoyen à part entière, capable d’intégrer son action propre dans le vaste contexte de la géostratégie et de la géopolitique.
On lira avec intérêt ce livre clair et précis, dont les idées sont enrichissantes, même lorsqu’elles restent discutables. Car en cette matière, particulièrement difficile, chacun a et reconnaît sa vérité.