Décolonisation et régimes politiques en Afrique Noire
Voici un livre qui intéressera vivement tous ceux que l’Afrique attire. Il groupe six études, datant de 1965 à 1966, mais n’ayant cependant pas perdu leur valeur d’actualité. La première porte sur les anciennes colonies françaises d’Afrique noire devenues indépendantes ; la deuxième, sur les États issus de l’ancienne Afrique orientale anglaise (Tanzanie, Kenya, Ouganda) ; les quatre autres, sur les expériences nationales faites par la Guinée, le Ghana, le Cameroun et Madagascar.
Nous nous bornerons ici à donner un bref aperçu de la première de ces études, faute de place pour parler des autres comme il le faudrait.
L’auteur, Albert Mabileau, divise la période de décolonisation en trois phases : de 1958 à 1960, la Communauté ; de 1960 à 1962, l’indépendance ; depuis 1962, les crises de régime. Il souligne à quel point l’influence des institutions françaises, à la fois dans leurs textes et dans leurs applications pratiques, a déterminé les institutions africaines, pour des motifs à la fois conscients et spontanés. Cela était normal pendant la première phase : l’exemple français d’un exécutif fort et d’un pluralisme des partis s’imposait naturellement. Mais plus tard, alors que se créait pratiquement dans tous les États un régime « présidentialiste » à parti unique, alors même que se produisaient les crises de régime ; l’héritage français, plus ou moins métissé de tentatives d’« autochtonisation » continuait de se faire sentir beaucoup plus fortement que les exemples étrangers. Pourquoi cette persistance ? En raison des bonnes relations qui ont continué d’exister entre la France et la plupart de ses anciennes colonies, de la formation initiale des dirigeants africains « dauphins du colonisateur », de prestige personnel du général de Gaulle, de la présence de nombreux techniciens français, toutes conditions propres à créer une « atmosphère » beaucoup plus encore qu’à imposer des modèles.
Ce très bref résumé ne rend pas compte de la richesse des nuances apportées par l’auteur dans son étude particulièrement claire et solidement ordonnée, non plus que des sujets multiples qu’il traite. Nous espérons qu’il sera cependant suffisant pour inciter à lire cet ouvrage qui nous semble donner de l’évolution politique récente de l’Afrique noire une idée à la fois complète et juste.