Échec à Dakar. Septembre 1940
L’affaire de Dakar est de celles qui ont laissé un souvenir douloureux aux combattants des deux partis. Il fallait un certain courage pour aborder et traiter le sujet. Le général Watson, qui était l’adjoint du général Spears, lui-même placé par Churchill à la tête de la mission britannique près du général de Gaulle, a été témoin de toute l’opération. Il a choisi de la raconter sur un ton dont l’humour amuse et charme le lecteur et de dire ce qu’il a vu, plutôt que de faire œuvre d’historien.
C’est d’abord un récit de croisière entre l’Angleterre et l’Afrique. Mais lorsque les navires qui transportent les forces françaises libres et les forces britanniques approchent de Dakar, lorsque le moment de l’événement arrive, c’est un récit de guerre. Les conditions d’impréparation de l’opération feront peut-être sourire les jeunes, qui sont habitués à la rigueur logistique des débarquements de vive force ; les détails les plus surprenants et les plus cocasses abondent, comme si l’auteur racontait une « bonne histoire » ; mais la gravité du sujet l’emporte finalement.
Retardée par des contretemps multiples, l’opération se déclenche sur Dakar dans les conditions d’ensemble que l’on sait. Le ralliement des autorités françaises d’Afrique occidentale française (AOF) n’ayant pu être obtenu, la force attaquante se retire après trois jours de combats meurtriers. Le général Watson suggère que si l’opération avait été menée dans des délais plus courts, elle aurait eu des chances de réussite. Mais il reconnaît n’avoir pas eu l’occasion d’interroger les Français de Dakar ; s’il avait pu le faire, sans doute aurait-il une opinion différente ; politiquement et militairement préparée dans la hâte et sans les connaissances que la guerre devait abondamment apporter dans les années suivantes, l’opération était plus probablement vouée à l’échec qu’au succès, car le choix des autorités françaises, et notamment celui du Gouverneur général Boisson, dont le général Watson minimise l’importance, était définitivement fait depuis la triste affaire de Mers-el-Kébir et le torpillage du Richelieu en rade de Dakar.
On saura gré à l’auteur d’avoir traité ce sujet difficile avec une élégante courtoisie, car il n’est pas un mot dans cet ouvrage qui puisse blesser qui que ce soit.