Au Nord-Vietnam, écrit sous les bombes
Ce témoignage n’a certainement pas l’intention d’être impartial. Son auteur ne cache nullement sa sympathie pour les Nord-Vietnamiens non plus qu’elle avait dissimulé celle qu’elle éprouvait pour le Viet-Cong dans un reportage précédemment publié. Le lecteur devra donc chercher, au-delà de l’admiration et de la louange constante pour tout ce qui touche l’action du gouvernement de Hanoï et l’attitude des hommes et des femmes du Nord-Vietnam, à quelque place qu’ils se trouvent, la description réelle de la vie sous d’incessants et innombrables bombardements aériens. S’il connaît le pays, il imaginera sans peine ce que Madeleine Riffaud a vu et s’efforce de décrire ; s’il ne le connaît pas, peut-être aura-t-il plus de difficultés à reconstituer les paysages et les scènes. Quels que soient le talent de l’auteur, la vivacité et la clarté de son style, il semble en effet impossible de rendre complètement l’effet produit par cette ambiance de vie dans les abris, dans la nuit, de comprendre cette gaieté persistante du Nord-Vietnamien malgré les deuils et les ruines, cette foi acharnée, cette obstination de fourmi.
Madeleine Riffaud raconte ce qu’elle a vu. Son récit est suffisamment poignant pour faire mesurer au lecteur la somme de courage nécessaire à un peuple qui endure tant de souffrances, et depuis si longtemps. Malgré les récits des conditions effroyables dans lesquelles vit le Nord-Vietnam, c’est une impression de vie ardente qui se dégage de ce livre, une impression de jeunesse et de confiance aussi, car l’auteur ne rapporte aucun exemple de doute, de désespoir, de lassitude. Faudrait-il croire que personne, dans ce pays meurtri, ne connaît des moments d’abandon, d’épuisement ou de simple fatigue morale ?