Histoire des doctrines sociales dans l’Europe contemporaine. T. I et T. II
L’auteur a présenté cette histoire des doctrines sociales en suivant, dans toute la mesure du possible, l’ordre chronologique. Mais il marque fortement la coupure causée par la guerre de 1914-1918 dans cette lente évolution des idées. Avant 1914, et depuis l’origine des temps contemporains – donc depuis le début du siècle dernier – c’est d’abord le paupérisme qui a frappé les penseurs et les réformateurs. La révolution industrielle ne s’est réellement déclenchée en Europe que dans la seconde moitié du siècle, bien qu’elle ait apparu plus tôt en Angleterre ; elle a donné naissance à des théories, qui peuvent s’ordonner autour de la plus célèbre d’entre elles, celle de Marx, qu’elles tentent de compléter ou de contredire.
La guerre marque l’écroulement d’un rêve de justice et porte un coup sensible à la croyance en la bonté originelle de l’homme : ni la philosophie, ni la religion, ni l’action politique militante n’ont pu empêcher le conflit, d’où le seul vainqueur idéologique émerge en Russie, sous la forme d’un communisme qui prend « à gauche » la place tenue par les socialistes. Et les mouvements fascistes viennent bientôt prouver qu’il existe aussi des idées et des théories sociales dans l’autoritarisme le plus absolu et le nationalisme le plus fervent. Le socialisme humaniste et le catholicisme social vont-ils se trouver, paradoxalement, compagnons de route dans un monde qui se transforme au point de se déprolétariser ? Car c’est là qu’est finalement le nœud de la question : l’Europe, qui avait exprimé les théories sociales, les voit contredites par les faits et leur évolution, à l’intérieur de ses frontières. Mais ces théories ont franchi les mers et les continents, vers l’Afrique, l’Amérique du Sud, l’Asie, où elles ne s’adaptent plus exactement ; elles doivent être pensées à nouveau, à la lumière d’autres réalités que celles d’Europe.
Tel peut être, nous semble-t-il, le résumé de cet ouvrage qui se distingue par la clarté de ses développements et la logique de ses déductions. Sous une forme qui est presque celle d’un manuel, ce livre est fort utile et fort pertinent ; il peut aisément remplacer de longues et rébarbatives études sur un sujet qui est, de toute évidence, de la plus grande et de la plus durable actualité.