Les Alliés ennemis. De Gaulle, Roosevelt
La lecture de cet ouvrage n’apprendra pratiquement rien à ceux qui connaissent les événements de la dernière guerre mondiale dans leurs détails. Mais si le récit des événements est sans surprise, il n’en est pas de même des descriptions faites par l’auteur des différents protagonistes du drame. Milton Viorst est sans pitié pour les « hommes de Vichy » ; à l’encontre de tout bon sens, il les déclare tous sournois, hypocrites, lâches, veules. Il est heureusement plus nuancé lorsqu’il décrit Roosevelt et ses principaux conseillers, Murphy en particulier ; il n’est pas tendre pour eux non plus. Pour le général de Gaulle, malgré quelques épithètes désagréables, il manifeste une admiration indiscutable ; et Churchill semble être un vieil oncle bougon et génial qui s’exaspère à vouloir faire vivre les siens en bonne harmonie. C’est assez dire que l’ouvrage est fort vivant et se lit très aisément.
Il se termine par un parallèle entre Roosevelt et de Gaulle, qui résume et caractérise non seulement les idées des deux grands hommes, mais encore l’enjeu véritable de leurs désaccords, « Il apparaît clairement maintenant, écrit l’auteur, qu’en prenant la tête du gouvernement à un moment critique, de Gaulle servait l’intérêt des États-Unis. Il est également clair qu’il s’en rendait mieux compte que Roosevelt, (…) de Gaulle est uniquement pro-français. Mais, en tant qu’Occidental, il est profondément soucieux des valeurs d’une civilisation à laquelle appartiennent la France et les États-Unis ». Mais le désaccord entre Roosevelt et de Gaulle provenait davantage, suivant l’opinion de l’auteur, des intérêts contradictoires que les deux pays qu’ils représentaient possèdent du fait de la seule géographie, que d’une inimitié entre hommes ; celle-ci n’aurait pu être qu’un accident. Malgré les liens entre les deux peuples, il sera toujours difficile d’accorder pleinement leurs vues. C’est ce qui explique pourquoi le président Eisenhower, puis le président Kennedy, durent aussi, plus tard, en 1958 et en 1961, s’opposer aux demandes du général de Gaulle, désireux de faire reprendre par la France une place parmi les toutes premières nations du monde. Aussi la France, sous la direction du général de Gaulle, est fatalement amenée à se libérer et à libérer l’Europe de toute ingérence, a fortiori de toute tutelle américaine. Et l’ouvrage se termine sur une phrase qui, bien qu’écrite en 1965, demeure d’actualité : « de Gaulle est en train de manifester, comme il l’a fait il y a vingt ans, sa résolution de voir la France, libre des États-Unis, en mesure de déterminer son propre destin ».