Budapest
L’histoire de la révolte hongroise d’octobre 1956 a déjà été plusieurs fois racontée. Tibor Meray en a été le témoin, et l’a vécue en acteur et en partisan. Il nous rapporte des « choses vues » ; après y avoir longuement réfléchi, il fait précéder son récit d’un texte de Camus publié peu après les événements dans Franc-Tireur, duquel nous citons ces phrases : « Les tares de l’Occident sont innombrables, ses crimes et ses fautes réels. Mais, finalement, n’oublions pas que nous sommes les seuls à détenir ce pouvoir de perfectionnement et d’émancipation qui réside dans le libre génie ».
Tibor Meray vit en Occident, exilé de son pays natal, « J’étais à Budapest, ce jour-là. Je suis né dans cette ville (…) Depuis mes vingt ans, j’ai appartenu au parti communiste (…) Mais pour un écrivain, la vérité doit avoir plus de valeur que n’importe quelle faveur de n’importe quel système politique (…) Au lieu d’une fausse impartialité, c’est une honnêteté dans la recherche et dans la présentation de faits que je me suis proposé dans mon travail ».
Il semble difficile de définir l’auteur et son ouvrage mieux qu’ils ne le sont dans ces quelques phrases. Au-delà des faits, des événements, le lecteur trouvera le drame d’un patriote qui a cru en son pays et souffre de le voir encore sous la domination de dirigeants qui lui semblent ne pas le conduire vers son véritable destin. Il reconnaît pourtant que la Hongrie, dix ans après le drame, est « l’un des pays du bloc soviétique le plus libéral et, économiquement, le plus florissant » ; mais le pays n’est pas libre et ses aspirations les plus profondes ne sont pas satisfaites : les libertés les plus sacrées n’y sont pas reconnues, « Le sentiment muet de tout un peuple » semble s’exprimer, selon l’auteur, par a le refus de la vie » que traduit le nombre élevé des avortements. À l’optimisme officiel inévitable, aux appréciations somme toute flatteuses des autres pays, Tibor Meray oppose sa vérité et jette un cri d’alarme pour le pays auquel, en exil, il continue à se consacrer.