La bataille pour l’Autriche
Pourquoi l’Autriche n’a-t-elle pas été « satellisée » après 1945, comme le furent la Pologne, les États balkaniques et l’Allemagne de l’Est ? Pourquoi les Russes admirent-ils de retirer leurs troupes, en 1955, d’une région largement avancée vers l’Ouest ? Le général Béthouart, qui fut, de 1945 à 1950, Haut-commissaire de la République française en Autriche, en donne les raisons.
Il expose d’abord les conditions dans lesquelles se trouvait l’Autriche au lendemain de l’effondrement du régime nazi, et les grandes questions qui se présentaient dans un pays qui, n’étant pas un État en 1939, ne pouvait juridiquement conclure de paix avec les vainqueurs qui étaient en fait ses libérateurs. L’Autriche était devenue une zone d’influences contraires entre les Occidentaux et les Soviétiques, ceux-ci cherchant à y noyauter la population et à obtenir, par des élections à majorité communiste, un régime qui leur fût favorable. Cette manœuvre échoua devant la détermination du peuple autrichien, qui sut résister au chant des sirènes orientales. Mais les Russes avaient entrepris, sous prétexte de récupérer « les biens allemands », de démonter une grande partie de l’économie autrichienne ; dans ce domaine, les résultats leur furent plus favorables. Cependant, à la mort de Staline, apparut une nouvelle orientation de la politique soviétique, celle que Khrouchtchev allait faire connaître sous le nom de coexistence pacifique. L’idée d’une neutralité autrichienne séduisait les Russes qui, selon l’auteur, craignaient, après la constitution de l’Otan, une intervention occidentale en Europe centrale. L’interdiction du territoire autrichien aux forces alliées coupait celles-ci en deux parties, de part et d’autre de l’Autriche, et apportait donc un élément favorable à la défense des pays de l’Est. C’est pourquoi le traité de 1955, en officialisant cette neutralité, mit fin à la bataille pour l’Autriche, bataille qui avait duré dix ans et s’était livrée sur différents plans, mais non sur le plan militaire ; elle ne comportait ni vainqueurs, ni vaincus ; mais l’Autriche, dans son indépendance enfin recouvrée, en était la principale bénéficiaire. De plus, les Russes pensaient que le précédent autrichien pourrait s’étendre à l’Allemagne, et apporter ainsi une solution à l’un des problèmes les plus difficiles de l’après-guerre.
Par ce résumé, on voit aisément que le livre du général Béthouart est de ceux qui appellent l’attention.