Bonaparte en Égypte
Les fidèles de Napoléon seront peut-être choqués de la façon dont l’auteur a présenté son principal personnage. Le portrait qui en est fait est celui d’un homme ambitieux, dépourvu de scrupules, confondant son intérêt personnel et celui de son pays, mêlant la cruauté à la plus grande bravoure personnelle, et des travers mesquins aux plus grandioses conceptions. Christopher Herold ne s’indigne pas, n’admire pas. Il constate avec humour, comme s’il s’amusait de peindre son héros sous les traits d’un homme « comme tout le monde », fait de grandes qualités et de noirs défauts. Les autres personnages ne trouvent pas davantage grâce à ses yeux, sauf Desaix et à un moindre degré Kléber.
Cela fait de ce récit très circonstancié et très détaillé une œuvre très vivante, à laquelle le lecteur s’attachera certainement.
L’auteur a voulu, au-delà des événements qu’il racontait et des hommes qu’il ressuscitait, exposer une thèse : celle d’une expédition coloniale montée sur une conception à tout prendre saine de la collaboration poussée entre colonisateurs et colonisés. Si les conditions politiques du moment l’avaient permis, l’expédition d’Égypte aurait pu être un succès et avoir, sur le cours de l’histoire, une influence des plus grandes. Si les Français s’étaient installés en Égypte comme ils le firent en Algérie, une trentaine d’années plus tard, mais sur des bases toutes différentes, les conséquences en auraient profondément modifié le monde du XIXe siècle. On admettra volontiers cette thèse, mais on restera plus sceptique sur la suggestion de l’auteur que les richesses et les possibilités entrevues en Égypte incitèrent les Européens à conquérir l’Afrique noire.
Quoi qu’il en soit de ces opinions sur les grands problèmes, ce livre donne de l’expédition d’Égypte, sous une forme relativement condensée, un récit fort clair qui se lit avec intérêt de la première à la dernière page. ♦