Coulez le Tirpiz !
Avec ses 56 000 tonnes, ses quatre tourelles doubles de 380, ses 6 tourelles doubles de 150, ses 30 nœuds, son rayon d’action de 9 000 milles, ses 2 350 hommes d’équipage, le Tirpitz était le plus puissant cuirassé des flottes européennes au moment de sa mise en service, en 1942. Son frère jumeau, le Bismarck, avait été coulé après l’extraordinaire poursuite que l’on sait à travers l’Atlantique. Le Tirpitz restait l’atout-maître de la flotte allemande. Mais Hitler avait davantage confiance dans ses sous-marins, et tenait peu à engager un aussi gros vaisseau contre la Home Fleet. Aussi, le beau cuirassé va-t-il rester tapi dans les fjords de Norvège, camouflé, protégé par des batteries de DCA, des filets, des champs de mines, sortant à peine de son repaire pour appuyer les attaques que mène la flotte allemande contre les convois alliés qui ravitaillent l’URSS.
L’existence de ce cuirassé est un défi pour l’Angleterre. Churchill demande que sa destruction soit réalisée au plus tôt et s’indigne de constater que la marine anglaise est incapable de renouveler les actions menées par les Italiens avec leurs sous-marins de poche et leurs hommes-torpilles. Pendant trente-cinq mois, les services de renseignements, aidés puissamment par les résistants norvégiens, vont suivre heure par heure les déplacements du Tirpitz et indiquer l’objectif à couler. Plusieurs tentatives sont effectuées : attaques aériennes très nombreuses, qui n’obtiendront pratiquement aucun résultat ; puis opération Title, menée par un petit navire norvégien portant deux équipes d’hommes-torpilles, qui échouera en octobre 1942 ; l’opération Source lui fait suite, le 22 septembre 1943, cette fois confiée à six sous-marins de poche, dont aucun ne reviendra à sa base, mais dont certains réussiront à endommager le cuirassé et à le rendre indisponible pour six mois. Enfin, c’est la reprise des attaques aériennes, avec de très fortes bombes, le 12 novembre 1944 ; le navire est enfin sérieusement touché et se renverse, entraînant dans la mort la moitié de son équipage.
L’auteur n raconté cette histoire avec une incroyable minutie, descendant jusqu’aux plus petits détails, suivant les acteurs allemands, anglais, norvégiens, dans leurs actions les plus minimes et dans leurs pensées les plus intimes. Le lecteur appréciera ce scrupule, et vivra les émotions, les espoirs, les satisfactions et les déceptions de tous ces hommes qui luttèrent dans une sorte de combat singulier, presque en marge des grands événements de la guerre, et qui tous, où qu’ils aient été placés, firent leur devoir avec courage. C’est une page bien particulière de l’histoire de la guerre navale. ♦