La guerre des bombes
Il faut lire ce livre. Il donne de la guerre aérienne conduite contre les objectifs à terre une vue établie d’après les renseignements tirés des bombardements sur l’Allemagne au cours de la dernière guerre. Il fournit des données aussi précises que possible sur leurs résultats. Il permet enfin d’imaginer par extrapolation ce que pourrait être une guerre atomique, et pose un problème moral en lançant un appel à la neutralisation des objectifs civils.
Ses premiers chapitres sont historiques. Ils décrivent comment naquit la guerre des bombardements, en septembre 1939, et comment, en se poursuivant jusqu’à la fin des hostilités, elle échappa au contrôle de ceux-là mêmes qui la dirigeaient.
Il semblait à ceux-ci que les résultats insuffisants qu’ils obtenaient étaient dus à l’insuffisance des moyens dont ils disposaient. Aussi, sans mettre en doute les théories qui avaient rendu célèbre le général Douhet, cherchaient-ils à accroître ces moyens et s’engageaient-ils irréversiblement vers une guerre sans merci, sans pour autant atteindre leurs buts stratégiques et psychologiques.
D’après les chiffres de l’auteur, les Anglo-Américains lancèrent 2 690 000 tonnes de bombes sur l’Europe, dont 1 350 000 sur l’Allemagne, au cours du dernier conflit. Les villes allemandes reçurent 510 000 t. Il y eut 600 000 Allemands tués et 800 000 blessés, pour autant que ces pertes puissent être estimées. Des centaines de milliers de maisons furent détruites ou gravement endommagées. 13 millions de personnes furent privées de logement. Des villes furent presque entièrement détruites, comme Dresde et Hambourg.
Cependant, dans les derniers chapitres de son ouvrage, l’auteur passe en revue les résultats. Ces pertes effrayantes ne réussirent pas à saper le moral de la population, plus exposée que les combattants du front, et peut-être plus décidée qu’eux à continuer une guerre dont elle constatait que le but était l’anéantissement. L’activité industrielle ne fut pas sérieusement réduite, sauf en ce qui concerne la production de l’essence synthétique ; l’effort de l’économie de guerre ne fut freiné que dans de modestes proportions.
Bien que quelques voix se soient élevées pour protester contre l’attaque de civils sans défense, l’opinion n’a réagi sérieusement qu’après la guerre, lorsque les destructions furent connues. Mais les générations sont oublieuses, et malgré les terribles enseignements qui pouvaient être tirés du spectacle des villes anéanties, la reconstruction n’a guère tenu compte des leçons de la guerre.
Aussi, est-il indispensable que le monde prenne conscience de la menace d’une guerre des bombes atomiques, dont la guerre des bombes explosives et incendiaires ne donne qu’une mince idée.
Dans la simplicité de son exposé, ce livre donne une leçon à méditer. ♦