L’Action française
Le lecteur hésitera à lire cet ouvrage monumental, en considérant le nombre de ses pages aux lignes serrées et à l’aspect austère. Mais, s’il fait l’effort de lire les premières pages, il continuera jusqu’au bout, peut-être pas d’un seul élan, car le morceau est gros, mais par étapes. Il serait surprenant qu’il n’y prenne finalement pas le plus grand intérêt.
C’est l’histoire minutieuse – on pourrait presque dire minute par minute – d’un mouvement qui a marqué intellectuellement toute une génération dans laquelle on a pris parti pour ou contre l’Action française, définitivement ou alternativement, depuis ses origines au moment de l’affaire Dreyfus jusqu’au procès de Charles Maurras qui en a marqué la fin. C’est donc un aperçu de l’histoire de notre pays, essentiellement de son histoire intérieure, ou plus exactement encore des conséquences de ses relations extérieures sur la vie politique quotidienne. La pensée de Maurras dominait le mouvement et lui fournissait son inspiration ; cet intellectuel de haute envergure manquait cependant d’esprit d’organisation et ses collaborateurs ne le suppléèrent guère dans ce domaine. L’Action française ne réussit jamais à être un parti politique ; elle détermina des attitudes et des courants de pensée. Catholique et royaliste dans son essence, elle fut désavouée à la fois par Rome et par le prétendant. Plus intellectuelle que réalisatrice, elle se manifesta par des violences dans la rue, des campagnes de presse incendiaires, des activités fébriles et mal coordonnées. Plutôt que d’agir par elle-même, elle attendit que « le fruit mûr tombe de lui-même », comme l’annonçait Daudet. Elle n’avait d’ailleurs rien de vraiment constructif à offrir au cas où cette chute se serait produite. Lorsque la défaite de 1940 amena au pouvoir des hommes dont plusieurs avaient été influencés par les idées de Maurras et de son équipe, l’Action française se trouva un moment dans son rôle, qui était d’inspirer une politique mais de ne pas la faire elle-même ; mais ce moment fut de courte durée, car les temps exigeaient un choix concret, et non seulement des aspirations. Les uns se tournèrent vers la Collaboration, les autres vers la Résistance, n’ayant pu trouver dans le mouvement lui-même une suffisante réponse à leurs questions précises.
Sur ce thème général, l’auteur montre, par de très nombreuses scènes, décrites en détail, quelles furent au cours de ces longues années l’influence et les limites de l’Action française, dans notre pays et à l’étranger. En le lisant, on pourrait conclure que les Français, aussi conscients que les autres peuples du besoin d’un gouvernement fort à l’époque moderne, restaient cependant opposés à toute idée de dictature et de fascisme.
Il n’est pas inutile de noter que l’auteur de ce livre est Américain. Cela lui permet peut-être de voir les choses avec une objectivité non dépourvue d’humour. On aurait souhaité cependant trouver un résumé des idées exposées dans cet ouvrage aux vastes dimensions, ce qui en aurait facilité l’abord. ♦