Opération Barbarossa
Suivant la méthode déjà employée dans des livres célèbres : Afrika Korps et Ils arrivent, l’auteur retrace dans cet ouvrage les premières phases de la guerre sur le front oriental, de l’invasion déclenchée par Hitler le 22 juin 1941 contre l’URSS à la chute de Stalingrad, le 31 janvier 1943. Il était évidemment difficile de faire revivre les différents aspects de cette dure campagne, à tous les échelons et dans tous les secteurs, de Mourmansk à Astrakhan et du Niémen à la Volga, en décrivant alternativement les deux camps. Paul Carell a surmonté cette difficulté de façon élégante, en multipliant les récits de combat des plus petites unités sans faire perdre de vue les raisons des décisions stratégiques aux postes de commandement les plus élevés. De nombreuses cartes éclairent le texte et facilitent la lecture, cependant que de très nombreuses illustrations, bien choisies, restituent l’ambiance du champ de bataille.
L’auteur ne doute pas que si la campagne avait été mieux préparée sur le plan logistique par les Allemands, et si un temps précieux n’avait pas été perdu au début des opérations par le désaccord qui surgit entre Hitler et ses généraux, le premier voulant pousser vers le sud : Crimée et champs de pétrole du Caucase, les seconds voulant occuper Moscou, la victoire aurait souri aux forces de l’Axe, qui auraient détruit l’armée russe comme elles avaient détruit les forces françaises un an plus tôt. Il base cette opinion sur le fait que Staline, qui était au courant, par son service d’espionnage, des plans allemands et de leurs variantes, n’avait pas cru aux renseignements précis qui lui étaient fournis et n’avait en conséquence donné aucun ordre d’alerte à ses armées, permettant ainsi aux Allemands de s’enfoncer profondément sur son territoire dès les premières semaines ; le fruit était donc mûr, et les tergiversations des Allemands devant Moscou leur enlevèrent une victoire certaine.
Plus tard, une nouvelle opposition devait dresser les généraux contre Hitler. Les premiers estimaient que le terrain n’avait pas de valeur en Russie, et qu’il convenait de replier les forces sur une ligne défensive solide pour passer l’hiver dans de bonnes conditions, avant de reprendre, à la bonne saison suivante, une nouvelle offensive. Hitler estimait que tout recul entraînerait une désagrégation de ses unités, qui ne pourrait être surmontée et conduirait à la débâcle. L’auteur juge que c’est en l’occurrence Hitler qui avait raison. La guerre fut donc perdue dès l’échec de la toute première offensive, qui mettait les Allemands dans une position difficile, alors que les Russes, disposant des immenses ressources de leur population, de leur territoire et de leur industrie, renforcées par l’aide des Alliés, ne pouvaient que reprendre l’avantage.
L’auteur se refuse à porter un jugement définitif sur les opérations stratégiques, qu’il est facile de juger superficiellement a posteriori. Son livre reste surtout un témoignage en l’honneur des combattants qui ont eu à surmonter les souffrances les plus grandes pour exécuter les ordres qu’ils avaient reçus. ♦