La société politique britannique
Dans cette étude sociologique, l’auteur n’a pas dissimulé les incertitudes et les aléas de son enquête. Il écrit, dans son avant-propos, qu’elle n’est qu’une introduction au sujet qu’il a voulu traiter, en se rendant compte des imperfections des sources dont il disposait et du caractère fluide, parfois déconcertant, des faits qu’il soumettait à son analyse. Ce n’est pas fausse modestie. Tout au long de l’ouvrage, il souligne les points sur lesquels ses déductions sont incertaines.
Mais cela est inhérent à la matière de ce livre. Le lecteur sera plus sensible à l’aspect positif de cet important travail qu’à ses involontaires lacunes ou imprécisions. Il sera frappé par la scrupuleuse conscience avec laquelle Jean Blondel présente son sujet.
C’est un tableau des relations entre la vie politique et la vie sociale dans l’Angleterre contemporaine, dans ce pays dont les institutions paraissent le modèle de la démocratie parlementaire. Leur fonctionnement apparaîtra très complexe et très lié à la vie de la nation. Après un chapitre d’introduction, qui explique comment est conçu le livre, une remarquable « vue d’ensemble » donne de l’Angleterre actuelle un tableau particulièrement instructif. Les chapitres suivants sont consacrés aux électeurs, aux partis et aux hommes politiques, à la représentation des intérêts professionnels par les syndicats et les différents groupes, enfin à l’administration publique. Après ces chapitres analytiques, un chapitre de synthèse expose les relations entre les hommes qui détiennent la réalité du pouvoir et ces différents groupes qui représentent la nation dans ses différentes catégories et conduit à une question : le pays est-il gouverné par une classe dirigeante ou par un « establishment », c’est-à-dire un groupe dirigeant qui suppose, chez ses membres, outre des intérêts sociaux-économiques semblables ou communs, une sorte de cooption basée sur une similitude d’attitudes et de comportements ? Les deux existent dans le domaine social, mais à un bien moindre degré dans le domaine politique ; l’appartenance à la classe dirigeante ou à « l’establishment » fournit des atouts notables aux individus, facilite les carrières, mais ne donne pas le pouvoir politique ; il le renforce de liens personnels, économiques et sociaux.
On lira certainement cet ouvrage avec le plus grand intérêt, tant par les vues qu’il permet d’avoir sur la société britannique, que par les réflexions qu’il peut inspirer sur nos propres institutions. ♦