Le procès du Caire
Nul n’a oublié ce procès qui fit couler tant d’encre lorsqu’il se déroula au Caire dans les premiers mois de 1961. Des diplomates français en mission en Égypte pour y régler la question des biens français, sont soudainement arrêtés sous l’accusation de complot contre le régime nassérien et contre la vie même du président Nasser. Cette accusation repose sur des interceptions microphoniques de conversations privées, sur la copie de rapports adressés par les diplomates au ministère des Affaires étrangères à Paris, enfin et surtout sur des aveux par des collaborateurs des diplomates, arrêtés également et soumis à de graves sévices pour les contraindre à signer des déclarations mensongères.
De toute évidence, l’accusation n’a aucun fondement juridique, et son seul motif est la raison d’État. Nasser a besoin de pouvoir attaquer les pays occidentaux pour justifier sa politique et choisit la France parce qu’elle n’a pas rétabli ses relations diplomatiques avec lui. L’opinion est vite acquise aux accusés, notamment celle des ambassadeurs présents au Caire.
Bien que les accusés soient couverts par l’immunité diplomatique, le procès s’ouvre et le tribunal se déclare compétent. La défense est assurée par des avocats français et égyptiens et peut s’exercer librement. Bientôt, Nasser, sans doute sincère à l’origine, se rend compte qu’il a été abusé par ses services de police ; il met cependant longtemps à se laisser convaincre d’abandonner l’accusation et ne se décide enfin qu’après quatre mois de débats.
Le Bâtonnier Thorp raconte simplement cette histoire, en faisant apparaître combien grande est la force de l’opinion, même dans un régime totalitaire et quel usage une défense avertie peut faire, pour le triomphe de la justice, de cette force de pression dont elle dispose avant toute plaidoirie.