Les conflits de générations
L’idée d’étudier la forme actuelle des conflits de générations est née en 1959 au Centre international de Prospective. Un groupe restreint commença par définir le sujet, et une enquête fut largement entreprise pour le traiter. C’est le résultat de ce travail collectif qu’apporte aujourd’hui cet ouvrage, dont il convient de souligner tout de suite le considérable intérêt pour tous les cadres du pays.
Il ne pouvait s’agir, sous un volume aussi faible, d’épuiser la question. Le lecteur cherchera donc avant tout des idées et des suggestions pour guider ses propres réflexions et ses propres recherches.
Le monde évolue rapidement : les progrès techniques se succèdent et bouleversent les données acquises alors qu’elles sont à peine exploitées ; la durée de la vie s’allonge. Alors qu’autrefois les gens âgés pouvaient léguer à ceux qui leur succédaient une expérience dont la valeur n’était pas contestable, actuellement cette expérience se trouve très vite dépassée. Le jeune d’autrefois était un « futur vieux » et toute l’éducation qu’il recevait visait à le rendre capable, le moment venu, d’exercer un métier, de prendre des responsabilités, suivant les normes appliquées par ceux qu’il remplacerait. Le jeune d’aujourd’hui, dont les facultés d’adaptation ne sont vraisemblablement pas plus grandes que celles des anciens, doit cependant rester un jeune, s’il veut, pendant la durée de sa vie active, qui sera plus longue qu’autrefois, remplir son rôle et satisfaire ses légitimes ambitions d’amélioration de sa situation sociale. D’où, de sa part, une attitude d’esprit et un comportement qui l’opposent aux représentants de la génération précédente, fiers des résultats acquis par eux, mais déjà dépassés par l’évolution du monde et des idées.
Les conflits semblent particulièrement aigus dans certaines régions du monde et dans certains métiers. C’est ainsi que les auteurs ont étudié les cas extrêmes des conflits de générations en Afrique noire et notamment dans les anciennes colonies françaises, et d’autre part, dans le monde rural français. Les jeunes, dans ces deux exemples, se montrent indiscutablement plus instruits, plus ouverts aux idées nouvelles, plus efficaces aussi que les vieux. Mais le conflit provient davantage de la « frustration sentimentale » ressentie par les vieux que des oppositions d’intérêts ou de conception. C’est en somme, à une conclusion semblable qu’aboutissent les études faites sur d’autres exemples moins tranchés et que, dans ses diverses parties, les auteurs citent en abondance.
Pour résoudre ces conflits, il ne semble pas qu’il y ait de solution immédiate. Seule, l’adaptation progressive des personnes actives à l’évolution des techniques et des mœurs peut atténuer ces conflits ; ce qui suppose une transformation complète de nos méthodes d’éducation, de formation à une profession, de nos habitudes de vie.
On voit combien ce livre court et clair ouvre de perspectives sur l’avenir, et l’intérêt que présente sa lecture. ♦