Histoire de la Troisième République. T. VII : Le drame final (1938-1940)
Dépouillée des anecdotes et des descriptions qui abondent dans la mémoire de ceux qui ont vécu ces deux années tragiques, ramenée aux grandes masses et aux faits saillants, cette histoire de la fin de la IIIe République prend un relief particulier. Comme dans l’agonie d’un malade condamné, le drame paraît inéluctable et tout converge à le déclencher, à l’accélérer, à le parfaire. Jacques Chastenet, dans un récit qu’il a voulu objectif et sobre, obtient des effets auxquels tous les lecteurs seront sensibles, peut-être davantage ceux qui à l’époque avaient l’âge d’homme et participaient aux événements, bien souvent sans en comprendre l’ampleur et le rythme, que ceux pour qui ces événements sont déjà de l’histoire.
Le récit porte essentiellement sur le déroulement et l’enchaînement des actes politiques et des opérations militaires. Les développements sur l’état d’esprit de la population sont relativement courts. Ils restent suffisamment évocateurs pour ceux qui ont connu l’époque ; mais peut-être ne sont-ils pas assez explicites pour ceux qui chercheront dans ce livre à la fois un témoignage et une explication de l’effondrement soudain de tout un pays. Le départ entre les fautes commises par le haut commandement et par les autorités gouvernementales peut également sembler faire la part trop lourde aux militaires. Mais le dilemme de 1940 est clairement exposé, de même que sont nettement tracées les attitudes et les opinions qui s’affrontaient.
La lecture de cette histoire n’est pas réconfortante. La Troisième République a fini dans la défaite, le renoncement et l’impuissance. Pour atténuer cette impression, Jacques Chastenet termine son livre – le dernier de la série des sept volumes consacrés au régime de la France pendant 69 ans – par un chapitre qui est un bilan. Malgré les changements qui modifiaient la physionomie du monde, la France est restée reconnaissable, « plus statique que dynamique, peu féconde, plus intelligente et artiste que persévérante, douée de génie inventif, mais tendant à se désintéresser de ses inventions, irradiant des idées mais ne s’en inspirant pas toujours, révolutionnaire en paroles et conservatrice dans les faits ». L’auteur estime que la Troisième République a été « désorientée » par les problèmes entièrement neufs qui se sont posés à elle après la Première Guerre mondiale ; « elle s’empêtra dans des contradictions ». Et la phase finale, que l’on trouvera peut-être sévère, donne un jugement d’ensemble : « Son souvenir mérite d’être entouré par les Français non seulement de beaucoup d’indulgence, mais de quelque honneur et d’un certain respect ».
L’application de l’instruction obligatoire et des lois sociales, la conquête d’un Empire colonial, la victoire de 1918 et le retour de l’Alsace-Lorraine à la France restent au crédit de la Troisième République et le drame de 1940 ne les efface pas. ♦