Mussolini, une force de la nature
L’édition originale de cette traduction est parue en Angleterre en 1961. L’auteur ne cite pas, dans sa bibliographie, l’ouvrage de Georges Roux sur Mussolini, paru en 1960 (dont nous avons rendu compte dans notre numéro de juillet 1961). Le lecteur qui voudrait s’informer sur le Duce aurait intérêt à lire ces deux ouvrages qui se complètent, parce qu’ils sont inspirés de préoccupations différentes et conçus suivant des perspectives qui ne se confondent pas.
Christopher Hibbert a fait une large place à l’anecdote, et souvent relié une suite d’anecdotes entre elles. Ce qui rend la lecture de son livre attachante et facile, mais masque peut-être le dessein de l’auteur, qui était de décrire « une force de la nature », comme il l’écrit dans le titre même. Cette force apparaît surtout dans la jeunesse et dans les premières années de la vie politique du Duce ; plus tard, elle semble bien affaiblie et ballotée par les événements de la Seconde Guerre mondiale ; elle s’effrite, et le Mussolini des dernières années a perdu toute illusion sur les hommes et tout courage pour les contraindre à être des surhommes. Son rêve s’est évanoui. L’horrible fin du Duce semble témoigner de cet effondrement.
C’est donc plutôt l’histoire de la dégradation d’une énergie humaine extraordinaire, son usure au contact des réalités de la politique mondiale, que raconte cet ouvrage. L’auteur s’y abstient de tout jugement ; il laisse le lecteur répondre lui-même aux questions qu’il a voulu résoudre en écrivant ce livre : Mussolini était-il un bouffon ou un demi-dieu ; comment les Italiens qui l’avaient laissé prendre le pouvoir s’en sont-ils détachés ; mais pourquoi s’en est-il trouvé encore en si grand nombre pour le suivre jusqu’au bout, alors que son étoile était visiblement éteinte ? Christopher Hibbert ne s’est pas estimé suffisamment qualifié pour donner là-dessus son opinion. C’est pourquoi, écrit-il, « j’ai écrit ce livre sous la forme d’une narration historique ». ♦