Un général suisse contre Hitler. L’espionnage au service de la paix
Traduit de l’anglais, ce livre raconte l’histoire de la Suisse pendant la dernière guerre. Il semble naturel de dire que la Suisse était neutre, et de ne pas se poser d’autres questions. Or, comment a-t-elle compris sa neutralité ? Qu’a-t-elle dû faire pour la conserver ? A-t-elle été au bord de l’occupation ?
La neutralité est pour la Suisse la clef de l’indépendance. Le but suprême assigné au général Guisan, élu par le Parlement, dès les premiers jours de la guerre, pour commander l’armée suisse, est de conserver cette indépendance, par le dispositif militaire qu’il adoptera et qui devra intimider suffisamment les envahisseurs éventuels, puis, au besoin, par les armes. Deux plans qui ne se confondent pas obligatoirement. Le premier est d’ordre militaire, certes, mais aussi diplomatique et psychologique ; le second doit résulter d’une étude strictement technique du rapport des forces et du terrain.
Pour jouer ce jeu subtil, il convient d’être renseigné. Les services de renseignement suisses doivent être montés, car ils n’existaient pratiquement pas en temps de paix. Ils le seront avec une telle efficacité qu’ils pousseront leurs antennes jusqu’au grand quartier général de Hitler. Les renseignements obtenus sont, non seulement un bouclier, mais aussi une arme, s’ils sont donnés en quantité sagement dosée à l’un ou l’autre des adversaires en présence, en vue de leur faire modifier ou adapter leurs plans, de telle sorte surtout que l’intégrité du territoire helvétique soit respectée.
Mais les préférences personnelles jouent aussi dans cette partie serrée. Si l’on est profondément démocrate, comme l’était le général Guisan, les sympathies spontanées vont aux pays occidentaux. Si l’on est plus sensible aux apparences des événements, comme certains dirigeants et même comme une partie de l’opinion publique en Suisse, l’intérêt semble commander une attitude favorable aux pays de l’Axe, pendant qu’ils sont triomphants. Une collaboration se dessine, qui s’appuie sur une cinquième colonne bien montée. Sauf à amener des heurts violents à l’intérieur du pays, il est difficile d’être pro-allié dans une ambiance pro-allemande.
Et pendant que se déroulent les phases de cette délicate partie, la troupe, qui ne se bat pas, s’ennuie, se demande pourquoi elle est mobilisée, et son moral s’en ressent. Il faut l’occuper, la maintenir à son potentiel de combat, lui faire préparer un « réduit » dans la zone alpestre.
Voilà ce que décrit cet ouvrage, où la figure du général Guisan est dressée comme un symbole de la « résistance » suisse. L’auteur ne cache pas les polémiques qu’a fait naître son livre, dans son édition anglaise, et réfute les arguments de ceux qui l’ont âprement critiqué.
Nous n’avons pas à prendre parti dans cette querelle. Le livre est intéressant, clair, et fournit un exemple étudié du concept de neutralité appliqué à un cas concret dans le monde moderne. ♦