Fail-Safe Point Limite
Un des best-sellers aux États-Unis, depuis qu’il est paru, en octobre 1962, ce roman mérite une mention spéciale. Les auteurs, transposant en 1967 les événements qu’ils racontent, ont en effet imaginé qu’un groupe de bombardiers du Strategic Air Command, dirigés sur leur point de rassemblement d’alerte à la suite de la découverte d’un objet non identifié par les radars américains, poursuivent leur route sur Moscou. Un accident technique dont personne ne s’est rendu compte dans le fonctionnement d’un cerveau électronique a eu pour résultat que l’ordre de fin d’alerte ne lui a pas été transmis, et, qu’au contraire, il a reçu automatiquement l’ordre d’aller jeter ses bombes nucléaires sur la capitale soviétique.
Tous les organismes chargés de la stratégie nucléaire américaine sont sur pied pour tenter d’arrêter ce groupe de bombardiers avant qu’il ne parvienne sur son objectif. Le Président des États-Unis se met en relation téléphonique directe avec M. Khrouchtchev pour lui annoncer l’erreur et le danger, et prendre avec lui les mesures propres à supprimer celui-ci, et plus encore à éviter que cet accident ne déclenche irrémédiablement la guerre nucléaire. De même, les commandements américain et russe entrent en communication directe. Le Président des États-Unis décide de faire abattre les bombardiers américains par des chasseurs ; ceux-ci, trop lents, ne peuvent pas les rejoindre ; il décide alors d’aider les chasseurs et la DCA soviétiques à détruire les bombardiers, ce qui ne peut se faire sans révéler quelques secrets techniques. Mais la défense soviétique ne réussit pas à empêcher deux des bombardiers de passer, et il devient évident que Moscou va être détruit. Pour vaincre la méfiance de M. K., et éviter le déclenchement du cataclysme nucléaire, le Président des États-Unis propose de faire lancer sur New York par des avions américains autant de bombes nucléaires qu’il en tombera sur Moscou. Et sur ce double bombardement, se termine le roman.
Son intérêt repose d’abord sur la donnée elle-même : la guerre peut-elle se déclencher, hors de toute volonté humaine et malgré toutes les volontés contraires, du seul fait d’un accident purement mécanique ? Il réside ensuite dans les drames de conscience traversés, en quelques heures, par les responsables des plus hauts échelons, dans les diverses attitudes qu’ils prennent, depuis l’intérêt personnel le plus sordide jusqu’à la révolte contre les ordres et le suicide.
Œuvre d’imagination, certes, mais qui pose au lecteur les problèmes les plus importants de notre monde moderne et de son machinisme implacable. Le « point-limite », ce n’est pas seulement celui qu’ont atteint et risquent de dépasser les bombardiers américains, c’est celui qu’ont atteint et risquent de dépasser les deux Grands, dans leur préparation à la guerre.
Malgré quelques longueurs – inévitables d’ailleurs, car il était nécessaire que les auteurs donnent aux lecteurs certaines explications sur des sujets que le grand public ne connaît pas ou dont il est mal informé – le livre se lit d’une seule traite, le « suspense » étant habilement ménagé.
C’est un ouvrage qui dépasse l’intérêt normal d’un roman, et présente, sous une forme originale, maintes questions qui auraient pu être discutées dans un livre technique, mais qui aurait été moins frappant et que beaucoup moins de lecteurs auraient lu. ♦