La disgrâce de Turgot (12 mai 1776)
Cette nouvelle collection historique, dont six volumes ont déjà paru, se propose d’éclairer toute notre histoire, du sacre de Clovis à la Libération de Paris, par le récit largement commenté de trente journées, dressées comme autant de bornes le long de notre passé. L’entreprise est intéressante, peut-être un peu artificielle, car les auteurs sont conduits à caractériser toute une époque par des événements limités dans le temps.
Edgar Faure a fait de son œuvre un récit historique et une sorte de traité de philosophie sur l’art de gouverner, non sans des allusions plus ou moins directes à l’actualité. L’histoire du ministère de Turgot est celle des prodromes de la Révolution, que l’auteur nous montre imminente dans les faits et dans les esprits. Les hommes perçoivent et analysent la situation avec objectivité parfois, avec lucidité souvent ; mais ils n’agissent point en conséquence ; ce sont « des aveugles devant leur miroir ». Ainsi en va-t-il de Turgot et de ses amis. Cela prouve-t-il le déterminisme en histoire ? Non, car « si nous n’observons dans l’histoire que des révolutions inévitables, c’est parce qu’elle ne peut nous offrir que des révolutions accomplies ». Edgar Faure pense que l’échec de Turgot est dû au fait que la réforme économique qu’il préconisait nécessitait des conditions politiques qui n’étaient pas encore réalisées. « Il n’y a pas de politique sans risque, mais il y a des politiques sans chances. »
Telles sont, en résumé, les conclusions de cet épais volume, où l’auteur n’a pas craint de descendre dans le détail des événements, en les commentant, en les expliquant, en les éclairant d’exemples puisés dans d’autres circonstances et dans d’autres temps.
Le style est aisé, souvent caustique, ce qui facilite la lecture d’une œuvre particulièrement dense, tout au long de laquelle l’esprit du lecteur est sollicité et attiré par mille réflexions, même dans les chapitres traitant de l’aspect technique des problèmes financiers et économiques qui se présentèrent à Turgot. En résumé, un livre à lire, pour les clartés qu’il jette sur le passé et les lueurs qu’il met sur le présent. ♦