Plus que jamais la puissance navale est l'un des éléments constitutifs de la puissance tout court. Or, deux faits essentiels, le fait nucléaire et l'appropriation des espaces océaniques, dominent aujourd'hui le monde moderne et remettent en question certains des fondements de la stratégie navale classique. L'auteur en tire les conséquences pour nos forces navales et montre la nécessité pour elles d'être capables de répondre aux défis que posent ces mutations.
Problèmes contemporains de politique et de stratégie navale
Dans les trente années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale, le monde a profondément changé. Il n’a pas seulement évolué au rythme accéléré des progrès techniques, économiques et sociaux : il a subi aussi d’authentiques mutations qui rendent caducs certains des principes anciens de la politique et de la stratégie militaires : apparition des armements nucléaires stratégiques, duopole des deux superpuissances et persistance de l’affrontement Est-Ouest à l’échelle de la planète, décolonisation et montée des nouvelles nations et des revendications du tiers monde, conscience grandissante d’un monde clos du fait de l’universalité de l’information et du développement des réseaux aériens internationaux.
D’autres mutations sont en cours, notamment dans le domaine maritime : pour n’en citer que quelques-unes : la révision du régime traditionnel du libre usage des mers et la montée des « nationalismes maritimes », la volonté des États de s’approprier les nouvelles richesses de la mer et du sous-sol marin. Au plan opérationnel, le développement des satellites artificiels d’observation capables de surveiller la surface des mers, la dissémination des armes anti-navires guidées avec précision sont susceptibles de remettre en cause les conceptions antérieures des affrontements sur mer.
Dans ce contexte, la situation de la France est paradoxale : elle est à la fois puissance maritime et puissance continentale ; membre de l’Alliance Atlantique mais résolue à préserver l’indépendance de sa politique de défense : concernée par l’affrontement Est-Ouest mais soucieuse d’améliorer les relations Nord-Sud entre les pays industrialisés et ceux du monde en voie de développement : nation souveraine mais solidaire des autres nations européennes. Cette position paradoxale nous donne peut-être la chance de faire preuve de plus d’imagination, de disposer sur les problèmes de politique et de stratégie navale d’une plus grande liberté de réflexion que les nations anglo-saxonnes prisonnières de schémas mentaux hérités de leur longue tradition maritime, mais sans doute trop obnubilées par la perspective d’un conflit de type traditionnel avec l’Union Soviétique.
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